⏱ Temps de lecture estimé : 7 minutes
Les Guinéens sont appelés aux urnes le dimanche 21 septembre 2025 pour se prononcer sur un projet de nouvelle constitution, quasiment quatre ans jour pour jour après la chute d’Alpha Condé. Pourtant, il avait été officiellement réélu quelque temps auparavant avec un score à la soviétique. Analyse. Âgé de 87 ans, Alpha Condé a été renversé le 5 septembre 2021 par celui qui était à cette époque lieutenant-colonel de l’armée guinéenne, commandant du Groupement des forces spéciales, Mamadi Doumbouya. Il était donc le point focal de la machine sécuritaire du régime déchu. Si ce référendum adopte la nouvelle constitution (une hypothèse quasi certaine), il inaugurera une nouvelle séquence politique qui connaîtra son terme à l’issue des consultations électorales à venir, dont le point d’orgue sera l’élection présidentielle et les législatives prévues en décembre 2025. La Guinée retournera alors à l’ordre constitutionnel comme s’y étaient engagés les militaires actuellement au pouvoir, non sans renier leur engagement de ne pas se présenter à ces élections, notamment à la présidentielle. L’« exception guinéenne » De prime abord, il faut faire observer que, de toutes les juntes militaires qui sont actuellement aux affaires en Afrique de l’Ouest, seule celle au pouvoir en Guinée est en passe de tenir cet engagement en dépit des rétrécissements de l’espace civique et politique, des disparitions et enlèvements forcés, des emprisonnements des voix discordantes à la junte. Comme on peut le constater, l’exception guinéenne s’arrête là. Le contexte dans lequel se tient cette consultation référendaire est hautement préoccupant pour la suite de la transition et du processus de démocratisation en cours. Il faut se souvenir que la chute spectaculaire d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021, a suscité de nombreux espoirs au sein de la population guinéenne et parmi les forces de progrès. L’ancien chef de l’État peut être considéré, à juste titre, comme l’un de ceux parmi ses pairs qui ont impulsé le mouvement de tripatouillage des constitutions pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats, une forfaiture juridique et institutionnelle qui sert aujourd’hui de prétexte à certaines juntes au pouvoir pour mettre injustement en cause les principes démocratiques et s’éterniser au pouvoir. Les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs Dans ce contexte de désarroi démocratique, le général Mamadi Doumbouya est apparu comme un sauveur pour la Guinée et s’est d’ailleurs présenté comme tel. Il a immédiatement bénéficié d’un confortable état de grâce. Dans son discours d’investiture, le 1er octobre 2021, devant les membres du corps diplomatique et les caciques de l’ancien régime dont bon nombre ont immédiatement retourné leur veste, le nouvel homme fort de Conakry a insisté sur l’importance d’une justice républicaine. Il n’a eu de cesse de le marteler, de sorte que, comme pour passer de la parole aux actes, la nouvelle Charte de transition a fait du nécessaire respect des libertés individuelles et collectives la pierre angulaire du nouveau pacte républicain. Or, rétrospectivement, quatre années plus tard, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs et la déception est immense au sein d’une frange importante de la population. Il y eut d’abord la suspension de certains médias parmi les plus en vue du pays. Puis vint l’interdiction de certains syndicats et de formations politiques en raison de leurs postures dissidentes ou dissonantes par rapport aux autorités de la transition. Parmi les partis politiques suspendus, il y a : le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG Arc-en-ciel) de l’ex-président Alpha Condé, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo et le Parti de renouveau et du progrès (PRP) dirigé par Rafiou Sow. Le ministère de l’Administration du territoire a justifié cette décision par le non-respect par ces formations politiques des règles prévues par la Charte des partis politiques en vigueur. Par ailleurs, certains leaders politiques ont été contraints à l’exil : Cellou Dalein Diallo, Alpha Condé ou encore Sidya Touré. Le rétrécissement de l’espace civique en Guinée ne s’est pas limité aux interdictions diverses ou au musellement de la liberté d’expression. Il s’est amplifié avec des formes d’atteinte aux droits humains très violentes, notamment les enlèvements qui ont amené Amnesty International à dénoncer un « climat de terreur » et à tirer sur la sonnette d’alarme le 8 juillet 2025 : « Les autorités guinéennes doivent révéler sans attendre le sort des militants du Front national de défense de la constitution (FNDC), Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, victimes de disparitions forcées il y a un an, et s’assurer que les personnes suspectées d’être responsables des enlèvements et des disparitions forcées en Guinée soient traduites devant la justice à travers des procès équitables et que les victimes aient accès à la justice et à des voies de recours efficaces […] ». Le kidnapping de ces deux grandes figures de la société civile guinéenne, reconnues pour leurs discours critiques et leurs désaccords profonds avec la gouvernance actuelle, continue de mobiliser de nombreux démocrates en Guinée et au sein de la communauté internationale. Tant et si bien que, récemment, une personnalité politique proche du régime, Taliby Dabo, s’exprimant probablement sur ordre pour faire baisser la pression internationale sur le pouvoir, rassure qu’ils sont bel et bien vivants et en bonne santé. Des assurances à prendre avec circonspection, car elles n’ont pu être vérifiées jusqu’à présent. Cette atteinte manifeste aux droits humains n’a pas encore été réparée que, récemment, une fois de plus, le FNDC annonce l’enlèvement, le 3 septembre au soir, de Yamoussa Youla, membre du comité d’organisation de la marche prévue deux jours plus tard par l’organisation syndicale contre le référendum du 21 septembre 2025. Les mêmes causes produiront les mêmes effets Au regard de ce tableau fort inquiétant, on est en droit de se demander si le référendum du 21 septembre peut être réellement considéré comme une avancée pour les libertés démocratiques en Guinée. Deux raisons majeures militent pour ce questionnement sceptique. La Charte de transition, dont les principes et les valeurs sont pourtant nobles et humanistes, a malheureusement été considérablement bafouée durant la Transition par ceux-là mêmes qui ont le devoir et l’obligation républicaine de la sauvegarder, comme le général Mamadi DoUmbouya en a fait le serment au moment de son investiture. D’autre part, tout laisse à penser que c’est le même pouvoir militaire qui sera reconduit au terme du processus politique en cours. Sauf miracle, il est fort probable de voir les mêmes causes produire les mêmes effets. .⏱ Temps de lecture estimé : 7 minutes
Âgé de 87 ans, Alpha Condé a été renversé le 5 septembre 2021 par celui qui était à cette époque lieutenant-colonel de l’armée guinéenne, commandant du Groupement des forces spéciales, Mamadi Doumbouya. Il était donc le point focal de la machine sécuritaire du régime déchu.
Si ce référendum adopte la nouvelle constitution (une hypothèse quasi certaine), il inaugurera une nouvelle séquence politique qui connaîtra son terme à l’issue des consultations électorales à venir, dont le point d’orgue sera l’élection présidentielle et les législatives prévues en décembre 2025. La Guinée retournera alors à l’ordre constitutionnel comme s’y étaient engagés les militaires actuellement au pouvoir, non sans renier leur engagement de ne pas se présenter à ces élections, notamment à la présidentielle.
De prime abord, il faut faire observer que, de toutes les juntes militaires qui sont actuellement aux affaires en Afrique de l’Ouest, seule celle au pouvoir en Guinée est en passe de tenir cet engagement en dépit des rétrécissements de l’espace civique et politique, des disparitions et enlèvements forcés, des emprisonnements des voix discordantes à la junte. Comme on peut le constater, l’exception guinéenne s’arrête là.
Le contexte dans lequel se tient cette consultation référendaire est hautement préoccupant pour la suite de la transition et du processus de démocratisation en cours.
Il faut se souvenir que la chute spectaculaire d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021, a suscité de nombreux espoirs au sein de la population guinéenne et parmi les forces de progrès. L’ancien chef de l’État peut être considéré, à juste titre, comme l’un de ceux parmi ses pairs qui ont impulsé le mouvement de tripatouillage des constitutions pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats, une forfaiture juridique et institutionnelle qui sert aujourd’hui de prétexte à certaines juntes au pouvoir pour mettre injustement en cause les principes démocratiques et s’éterniser au pouvoir.
Dans ce contexte de désarroi démocratique, le général Mamadi Doumbouya est apparu comme un sauveur pour la Guinée et s’est d’ailleurs présenté comme tel. Il a immédiatement bénéficié d’un confortable état de grâce. Dans son discours d’investiture, le 1er octobre 2021, devant les membres du corps diplomatique et les caciques de l’ancien régime dont bon nombre ont immédiatement retourné leur veste, le nouvel homme fort de Conakry a insisté sur l’importance d’une justice républicaine. Il n’a eu de cesse de le marteler, de sorte que, comme pour passer de la parole aux actes, la nouvelle Charte de transition a fait du nécessaire respect des libertés individuelles et collectives la pierre angulaire du nouveau pacte républicain.
Or, rétrospectivement, quatre années plus tard, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs et la déception est immense au sein d’une frange importante de la population. Il y eut d’abord la suspension de certains médias parmi les plus en vue du pays. Puis vint l’interdiction de certains syndicats et de formations politiques en raison de leurs postures dissidentes ou dissonantes par rapport aux autorités de la transition. Parmi les partis politiques suspendus, il y a : le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG Arc-en-ciel) de l’ex-président Alpha Condé, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo et le Parti de renouveau et du progrès (PRP) dirigé par Rafiou Sow.
Le ministère de l’Administration du territoire a justifié cette décision par le non-respect par ces formations politiques des règles prévues par la Charte des partis politiques en vigueur.
Par ailleurs, certains leaders politiques ont été contraints à l’exil : Cellou Dalein Diallo, Alpha Condé ou encore Sidya Touré.
Le rétrécissement de l’espace civique en Guinée ne s’est pas limité aux interdictions diverses ou au musellement de la liberté d’expression. Il s’est amplifié avec des formes d’atteinte aux droits humains très violentes, notamment les enlèvements qui ont amené Amnesty International à dénoncer un « climat de terreur » et à tirer sur la sonnette d’alarme le 8 juillet 2025 : « Les autorités guinéennes doivent révéler sans attendre le sort des militants du Front national de défense de la constitution (FNDC), Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, victimes de disparitions forcées il y a un an, et s’assurer que les personnes suspectées d’être responsables des enlèvements et des disparitions forcées en Guinée soient traduites devant la justice à travers des procès équitables et que les victimes aient accès à la justice et à des voies de recours efficaces […] ».
Le kidnapping de ces deux grandes figures de la société civile guinéenne, reconnues pour leurs discours critiques et leurs désaccords profonds avec la gouvernance actuelle, continue de mobiliser de nombreux démocrates en Guinée et au sein de la communauté internationale. Tant et si bien que, récemment, une personnalité politique proche du régime, Taliby Dabo, s’exprimant probablement sur ordre pour faire baisser la pression internationale sur le pouvoir, rassure qu’ils sont bel et bien vivants et en bonne santé. Des assurances à prendre avec circonspection, car elles n’ont pu être vérifiées jusqu’à présent.
Cette atteinte manifeste aux droits humains n’a pas encore été réparée que, récemment, une fois de plus, le FNDC annonce l’enlèvement, le 3 septembre au soir, de Yamoussa Youla, membre du comité d’organisation de la marche prévue deux jours plus tard par l’organisation syndicale contre le référendum du 21 septembre 2025.
Au regard de ce tableau fort inquiétant, on est en droit de se demander si le référendum du 21 septembre peut être réellement considéré comme une avancée pour les libertés démocratiques en Guinée. Deux raisons majeures militent pour ce questionnement sceptique.
La Charte de transition, dont les principes et les valeurs sont pourtant nobles et humanistes, a malheureusement été considérablement bafouée durant la Transition par ceux-là mêmes qui ont le devoir et l’obligation républicaine de la sauvegarder, comme le général Mamadi DoUmbouya en a fait le serment au moment de son investiture.
D’autre part, tout laisse à penser que c’est le même pouvoir militaire qui sera reconduit au terme du processus politique en cours. Sauf miracle, il est fort probable de voir les mêmes causes produire les mêmes effets.
Pour offrir les meilleures expériences, nous et nos partenaires utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations de l’appareil. Le consentement à ces technologies nous permettra, ainsi qu’à nos partenaires, de traiter des données personnelles telles que le comportement de navigation ou des ID uniques sur ce site et afficher des publicités (non-) personnalisées. Ne pas consentir ou retirer son consentement peut nuire à certaines fonctionnalités et fonctions.
Cliquez ci-dessous pour accepter ce qui précède ou faites des choix détaillés. Vos choix seront appliqués uniquement à ce site. Vous pouvez modifier vos réglages à tout moment, y compris le retrait de votre consentement, en utilisant les boutons de la politique de cookies, ou en cliquant sur l’onglet de gestion du consentement en bas de l’écran.