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Mali : Vérité historique et illusion séparatiste — le Panel des démocrates redéfinit le sens de l’Azawad

Mali : Vérité historique et illusion séparatiste — le Panel des démocrates redéfinit le sens de l’Azawad. Publié le 23 octobre 2025à 16h34

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Depuis Genève, Adaman Touré et le Panel des démocrates maliens remettent en cause la fiction d’un « État d’Azawad » et plaident pour un fédéralisme coutumier enraciné, face à la junte militaire et aux dérives du Front de libération de l’Azawad (FLA). Mohamed AG Ahmedou, journaliste et spécialiste des dynamiques politiques et sécuritaires sahélo-sahariennes.. Depuis Genève, Adaman Touré, Premier ministre de la transition civile en exil, signe une mise au point tranchante contre ce qu’il appelle « le banditisme séparatiste du FLA ». Le Front de libération de l’Azawad, affirme-t-il, ressuscite une illusion dangereuse : celle d’un État d’Azawad qui n’a jamais existé ailleurs que dans la rhétorique armée et la mémoire réinventée de certaines élites. « L’État d’Azawad ne trouve sa véracité et son fondement historiques que dans le banditisme politique et l’hallucination mémorielle du FLA », écrit Touré, avant d’ajouter : « Le Panel ne reconnaît pas Azawad comme entité politique, mais comme aire culturelle transsaharienne. » Cette clarification replace le débat dans son cadre réel : l’histoire du Nord malien n’est pas celle d’une nation amputée, mais celle d’une mosaïque d’États coutumiers autonomes, pluriels et interdépendants. Les leçons de l’histoire : un espace culturel, pas un État Les chercheurs sont formels : l’Azawad n’a jamais été un État. L’historien Baz Lecocq, dans Disputed Desert (2002), rappelle que « le terme Azawad renvoie à un espace géographique et non à une entité politique ». Pierre Boilley confirme : « Le Nord malien a toujours été fragmenté, traversé par des alliances fluides et des confédérations, jamais unifié sous une autorité centrale. »   Touré cite les royaumes et chefferies de l’Adagh (Kidal), du Tengueregif (Niafunké, Diré), de l’Ansar ou kel Antessar (Tombouctou) et d’Iwillidiman (Ménaka), gouvernés par des figures comme Zeid Ag Attaher, Chebboun Ag Fondogouma, N’Gonna et Firhoun Ag Alinsar. Ces chefs résistèrent à la colonisation, sans jamais prétendre fonder un État pan-touareg.    « L’Azawad n’est pas un État mort-né, c’est une mémoire mal comprise. Le drame vient de ceux qui veulent transformer un héritage culturel en projet géopolitique exclusif », explique Mohamed AG Ahmedou.  Le fédéralisme coutumier : un modèle endogène et réparateur   Contre la fiction séparatiste, Adaman Touré propose une vision : le fédéralisme coutumier et la démocratie vestibulaire. Ce modèle, ancré dans les traditions de gouvernance sahéliennes, vise un État rénové, décentralisé, où le pouvoir local s’exerce dans la continuité des institutions coutumières.   Ce paradigme s’aligne sur la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (UA, 2007), qui promeut la participation citoyenne et la dévolution du pouvoir local comme remèdes aux tensions communautaires.    « Il vaut mieux réhabiliter nos États coutumiers précoloniaux que livrer une partie du pays à un groupe armé qui s’invente une nation », tranche Touré. Les dérives d’une élite séparatiste Touré distingue l’autonomie légitime des communautés du Nord d’un séparatisme devenu rente politique.   « Le FLA n’est plus une cause, c’est une imposture ; il n’est plus un espoir, mais une rente identitaire », écrit-il.   Selon lui, les dirigeants du FLA ont trahi la cause touarègue en pactisant avec la junte militaire et en reproduisant « un féodalisme pseudo-républicain dévolu à une caste d’élite communautariste. » Junte et FLA : la convergence du désastre   Touré établit un parallèle glaçant : la junte militaire de Bamako et le FLA participent à la même entreprise de déstructuration nationale.   « La junte est un logiciel malveillant que nous devons désinstaller du disque dur de l’État. L’État est notre bien commun que nous devons préserver des parasites et des groupes totalitaristes », écrit-il. Cette métaphore technopolitique illustre une vérité crue : la militarisation du pouvoir et la fragmentation du territoire s’alimentent mutuellement. Le tournant du Panel des démocrates maliens   Touré annonce une inflexion majeure :   « Nous envisageons de revenir sur notre promesse de réhabiliter d’office l’accord de paix et de réconciliation de 2015 après le départ de la junte. » La réconciliation nationale, souligne-t-il, ne sera plus automatique, mais conditionnée à la vérité historique, à la reddition de comptes et à la sincérité politique. Le Panel compte restaurer un cadre constitutionnel légitime, tout en défendant l’intégrité territoriale du Mali, conformément à l’article 4(b) de l’Acte constitutif de l’Union africaine. Analyse : Le vrai drame du Mali ne réside pas dans la diversité de ses communautés, mais dans la faillite morale de ses dirigeants. Depuis l’indépendance, de Modibo Keita à Assimi Goïta, les populations nomades ont subi crimes de guerre, exils forcés et bombardements. Les récentes frappes de drones et les exactions des mercenaires russes de Wagner/Africa Corps ont profondément ravivé la colère des familles meurtries du Nord. « Ce sont ces violences aveugles contre des civils désarmés qui poussent des jeunes Touaregs et Arabes à rejoindre les mouvements indépendantistes — ou, pire, les groupes islamistes radicaux », explique Mohamed AG Ahmedou. Mais le débat reste faussé : qui représente réellement les peuples du Nord ? Les médias étrangers amplifient les voix armées mais ignorent celles des sociétés civiles locales,  chefferies coutumières, ONG communautaires, associations de femmes et de jeunes,  qui portent le témoignage vivant des atrocités subies.   « Donner la parole aux civils, c’est redonner la vérité au Mali », plaide Ahmedou.   La paix ne passera pas par la vengeance, mais par la reconnaissance des souffrances, la justice transitionnelle et un nouveau pacte fédéral fondé sur la participation populaire et la réparation historique. Un message pour tout le Sahel Le message lancé depuis Genève résonne bien au-delà du Mali. Dans un Sahel fracturé par les coups d’État et les manipulations identitaires, Adaman Touré appelle à un sursaut éthique :   « Nul ne peut construire la paix sur le mensonge historique ou la confiscation du pouvoir. »   Encadré analytique — Décryptage Thème Clé de lecture L’Azawad Concept géographique, non politique Fédéralisme coutumier Gouvernance endogène et inclusive Droit africain L’intégrité territoriale comme ligne rouge Mali post-junte Refonder plutôt que fragmenter Le Sahel Vérité et mémoire comme bases de la réconciliation.

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Depuis Genève, Adaman Touré et le Panel des démocrates maliens remettent en cause la fiction d’un « État d’Azawad » et plaident pour un fédéralisme coutumier enraciné, face à la junte militaire et aux dérives du Front de libération de l’Azawad (FLA). Mohamed AG Ahmedou, journaliste et spécialiste des dynamiques politiques et sécuritaires sahélo-sahariennes.
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