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Le monde du football serait-il l’un des rares vestiges de la colonisation européenne en Afrique qui ne parvient toujours pas à s’arrimer aux mutations du monde et aux conservatismes d’un âge manifestement révolu ? La question mérite davantage d’être posée au sujet de la gouvernance du football à l’échelle mondiale.. Les grandes institutions multilatérales ont été durant des décennies, notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la chasse gardée des Européens et des Américains, avant de s’ouvrir à l’Asie et à l’Amérique latine dans une moindre mesure. Certes, il est tout à fait pertinent d’arguer que l’absence de l’Afrique à la tête de grandes institutions du système multilatéral né du nouvel ordre mondial s’explique par leurs statuts de colonies ou de pays sous tutelle. Des Africains ont brillé à l’international Néanmoins, il faut souligner qu’il aura fallu environ deux décennies pour qu’un ressortissant d’un pays d’Afrique accède à la tête d’une grande institution multilatérale. Ce fut le Sénégalais Amadou Mahtar Mbow, désigné à l’unanimité, le 15 novembre 1974, directeur général de l’UNESCO. Il faut relever, en passant, que le rayonnement international personnel de Léopold Sédar Senghor ne fut pas étranger à cette désignation, laquelle n’aura pas été une sinécure pour le Sénégalais, violemment combattu par les Américains jusqu’à leur départ fracassant de cette institution (entre 1984 et 2003). La dynamique ainsi enclenchée s’est poursuivie avec Boutros Boutros-Ghali et Kofi Atta Annan aux prestigieuses fonctions de Secrétaire général de l’ONU, l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus à la direction générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala à la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis le 1er mars 2021. Quid de la FIFA ? S’il y a une institution multilatérale planétairement connue, qui draine des foules et charrie des enjeux comme nulle autre, c’est la Fédération internationale de football association (FIFA). Constituée le 21 mai 1904 à Paris au 229 de la rue Saint-Honoré, dans les locaux de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), sous l’impulsion de Robert Guérin, secrétaire du comité football de l’USFSA, la FIFA est plus ancienne que la Société des Nations, sur les cendres de laquelle a été créée l’Organisation des Nations unies. Elle est antérieure à toutes les organisations multilatérales créées au lendemain du deuxième conflit mondial, à l’instar des institutions de Brettons Woods. Mais la FIFA est la seule à la tête de laquelle un Africain n’a jamais été élu. Légitimités des peuples La Fédération internationale de football association, contrairement aux autres institutions ci-dessus évoquées, tient directement sa légitimité des peuples et non des seuls États. Ceux-ci viennent en appui aux démembrements de la FIFA, dans la mesure où le football est devenu un fait populaire et suscite dans chaque État un engouement et un enthousiasme national. Autrement dit, sans une adhésion populaire, il n’y a pas d’expansion du football. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la première mission dévolue à la FIFA est le développement du football. S’il faut s’en tenir aux considérations d’ordre démographique, on pourrait dire que l’Afrique est le principal continent d’avenir du football, autant qu’elle l’est par exemple pour la francophonie. Continent qui comptera plus de deux milliards d’habitants à l’horizon 2050, l’Afrique sera indubitablement celui sur lequel la FIFA enregistrera le plus grand nombre de licenciés, voire de clubs. C’est dire que l’avenir du football mondial se joue en grande partie en Afrique. On pourra rétorquer à ceux qui reprochent à la FIFA son conservatisme, s’agissant de sa présidence, que le Camerounais Issa Hayatou l’a occupée suite à la démission du Suisse Sepp Blatter, du fait de ses ennuis judiciaires. Mais ce contre-argument ne résiste pas à l’analyse. Cette présidence provisoire n’émanant pas d’un scrutin à l’issue duquel l’Assemblée générale se serait majoritairement prononcée en faveur du Camerounais qui fut alors l’un des vice-présidents représentant chacun un continent, ce fut une présidence strictement administrative qui obéissait à un respect strict des textes. L’Afrique, exportatrice de talents S’il a fallu du temps, jusqu’en 1994, pour voir le nombre de pays africains éligibles à une phase finale de Coupe du monde de football connaître une progression qui ne reflète toujours pas le dynamisme du football de ce continent, on ne peut manquer de relever que, dans les championnats de football et sur tous les continents, l’Afrique est à ce jour la plus grande exportatrice de talents, qu’il s’agisse de footballeurs venus d’Afrique ou d’ascendance africaine. Les championnats européens de football, en particulier, grands demandeurs de talents africains, se videraient d’une part importante de leur substance et perdraient l’attrait et la fascination qu’ils exercent sur le reste de la planète football sans ces pépites. La prochaine Coupe du monde de football qui aura lieu en 2030 au Maroc, après celle organisée en Afrique du Sud en 2010, la toute première en terre africaine, ne pourrait-elle pas être l’occasion de réparer cette injustice ? Difficile de se risquer à des supputations à ce sujet. Car il est notoirement connu que le football n’est plus seulement un jeu comme il le fut au moment de sa création au xixe siècle à Cambridge (en Angleterre). Il est au cœur d’enjeux financiers et géopolitiques colossaux dont la prise en compte renvoie parfois au second plan le spectacle dont on abreuve les foules. .⏱ Temps de lecture estimé : 6 minutes
Les grandes institutions multilatérales ont été durant des décennies, notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la chasse gardée des Européens et des Américains, avant de s’ouvrir à l’Asie et à l’Amérique latine dans une moindre mesure. Certes, il est tout à fait pertinent d’arguer que l’absence de l’Afrique à la tête de grandes institutions du système multilatéral né du nouvel ordre mondial s’explique par leurs statuts de colonies ou de pays sous tutelle.
Néanmoins, il faut souligner qu’il aura fallu environ deux décennies pour qu’un ressortissant d’un pays d’Afrique accède à la tête d’une grande institution multilatérale. Ce fut le Sénégalais Amadou Mahtar Mbow, désigné à l’unanimité, le 15 novembre 1974, directeur général de l’UNESCO. Il faut relever, en passant, que le rayonnement international personnel de Léopold Sédar Senghor ne fut pas étranger à cette désignation, laquelle n’aura pas été une sinécure pour le Sénégalais, violemment combattu par les Américains jusqu’à leur départ fracassant de cette institution (entre 1984 et 2003).
La dynamique ainsi enclenchée s’est poursuivie avec Boutros Boutros-Ghali et Kofi Atta Annan aux prestigieuses fonctions de Secrétaire général de l’ONU, l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus à la direction générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala à la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis le 1er mars 2021.
S’il y a une institution multilatérale planétairement connue, qui draine des foules et charrie des enjeux comme nulle autre, c’est la Fédération internationale de football association (FIFA).
Constituée le 21 mai 1904 à Paris au 229 de la rue Saint-Honoré, dans les locaux de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), sous l’impulsion de Robert Guérin, secrétaire du comité football de l’USFSA, la FIFA est plus ancienne que la Société des Nations, sur les cendres de laquelle a été créée l’Organisation des Nations unies.
Elle est antérieure à toutes les organisations multilatérales créées au lendemain du deuxième conflit mondial, à l’instar des institutions de Brettons Woods. Mais la FIFA est la seule à la tête de laquelle un Africain n’a jamais été élu.
La Fédération internationale de football association, contrairement aux autres institutions ci-dessus évoquées, tient directement sa légitimité des peuples et non des seuls États. Ceux-ci viennent en appui aux démembrements de la FIFA, dans la mesure où le football est devenu un fait populaire et suscite dans chaque État un engouement et un enthousiasme national. Autrement dit, sans une adhésion populaire, il n’y a pas d’expansion du football. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la première mission dévolue à la FIFA est le développement du football.
S’il faut s’en tenir aux considérations d’ordre démographique, on pourrait dire que l’Afrique est le principal continent d’avenir du football, autant qu’elle l’est par exemple pour la francophonie. Continent qui comptera plus de deux milliards d’habitants à l’horizon 2050, l’Afrique sera indubitablement celui sur lequel la FIFA enregistrera le plus grand nombre de licenciés, voire de clubs. C’est dire que l’avenir du football mondial se joue en grande partie en Afrique.
On pourra rétorquer à ceux qui reprochent à la FIFA son conservatisme, s’agissant de sa présidence, que le Camerounais Issa Hayatou l’a occupée suite à la démission du Suisse Sepp Blatter, du fait de ses ennuis judiciaires. Mais ce contre-argument ne résiste pas à l’analyse. Cette présidence provisoire n’émanant pas d’un scrutin à l’issue duquel l’Assemblée générale se serait majoritairement prononcée en faveur du Camerounais qui fut alors l’un des vice-présidents représentant chacun un continent, ce fut une présidence strictement administrative qui obéissait à un respect strict des textes.
S’il a fallu du temps, jusqu’en 1994, pour voir le nombre de pays africains éligibles à une phase finale de Coupe du monde de football connaître une progression qui ne reflète toujours pas le dynamisme du football de ce continent, on ne peut manquer de relever que, dans les championnats de football et sur tous les continents, l’Afrique est à ce jour la plus grande exportatrice de talents, qu’il s’agisse de footballeurs venus d’Afrique ou d’ascendance africaine. Les championnats européens de football, en particulier, grands demandeurs de talents africains, se videraient d’une part importante de leur substance et perdraient l’attrait et la fascination qu’ils exercent sur le reste de la planète football sans ces pépites.
La prochaine Coupe du monde de football qui aura lieu en 2030 au Maroc, après celle organisée en Afrique du Sud en 2010, la toute première en terre africaine, ne pourrait-elle pas être l’occasion de réparer cette injustice ?
Difficile de se risquer à des supputations à ce sujet. Car il est notoirement connu que le football n’est plus seulement un jeu comme il le fut au moment de sa création au xixe siècle à Cambridge (en Angleterre). Il est au cœur d’enjeux financiers et géopolitiques colossaux dont la prise en compte renvoie parfois au second plan le spectacle dont on abreuve les foules.
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