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Le 10 octobre 2025 marque la journée contre la peine de mort. Le thème de cette année est : « La peine de mort ne protège personne ».. Cette année, à la différence des précédentes et avec une intonation toute particulière, a connu un point d’orgue en France avec l’entrée au Panthéon de Robert Badinter, célèbre abolitionniste qui, le 17 septembre 1981, porta devant le parlement français la loi portant abolition de la peine de mort en France. Un plaidoyer que l’ancien professeur de droit et avocat au barreau de Paris, ancien garde des Sceaux (lors du premier septennat de François Mitterrand, du 23 juin 1981 au 19 février 1986), aura mené depuis 1972 et durant ses jeunes années d’avocat. La France a ainsi rendu un vibrant hommage à cette figure de proue de la lutte contre la peine capitale. Son abolition a été intégrée à la Constitution le 23 février 2007 par la loi constitutionnelle no 2007-239. Ladite loi a ajouté l’article 66-1 à la Constitution, qui stipule que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Le 28 novembre 1972, il lui fut donné la dramatique occasion d’assister au tragique spectacle de la mise à mort par la guillotine de l’un de ses clients condamné à la peine capitale. Aussi, lorsque François Mitterrand, dont il était très proche, devint président la République, le 10 mai 1981, l’une des premières lois que fit voter le parlement français fut celle portant abolition de la peine de mort. Une longue marche vers l’abolition de la peine de mort Au-delà du combat d’un homme pour l’abolition de la peine de mort en France, force est de reconnaître que la marche demeure longue vers l’abolition de la peine de mort dans le reste du monde. Le 18 décembre 2007, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 62/149 appelant à un moratoire sur les exécutions dans le monde. En 2024, pour s’en tenir aux statistiques actuellement disponibles et les plus récentes, l’état des lieux de ce combat dans le monde est peu reluisant. Ainsi, selon Amnesty International, 1 500 personnes ont été exécutées dans le monde en 2024, quoique le nombre de pays ayant effectivement appliqué la peine de mort soit en nette baisse. Toutefois, dans ces statistiques, il n’est pas pris en compte l’exécution de milliers de personnes en Chine, en Corée du Nord et au Vietnam, en raison de l’opacité qui est la règle dans ces pays, s’agissant de la diffusion d’informations aussi sensibles. Toujours selon Amnesty International, 15 pays pratiquent encore la peine de mort dans le monde. Par ailleurs, en s’appuyant sur les informations disponibles, 9 exécutions sur 10 sont pratiquées par trois pays seulement, à savoir : l’Arabie Saoudite, l’Irak et l’Iran. Des questions sur la pratique de la peine capitale Le plaidoyer sur l’abolition de la peine de mort, tout comme l’institutionnalisation de la peine de mort, pose l’une des questions juridiques et philosophiques parmi les plus épineuses dans toutes les sociétés humaines. Depuis la Haute Antiquité, les textes religieux inscrivent la peine de mort au rang des châtiments destinés à punir des actes déviants jugés extrêmement graves par le groupe ou l’ordre religieux régnant. C’est le cas par exemple du Code de Hammourabi en Mésopotamie. Dans les religions du Livre, celles dites abrahamiques, leurs inspirateurs ont surtout posé l’exigence de la proportionnalité de la peine, à l’instar de la loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent ». Au plan philosophique, notamment dans la Grèce ancienne, Platon jugeait indispensable la peine de mort dans son ouvrage Les Lois, pour toute personne qui s’était rendue coupable de meurtre. Dans ce cas de figure, la peine de mort n’avait pas seulement une utilité punitive. Elle remplissait aussi une fonction expiatoire, car il fallait purifier la société de la souillure qu’avait engendrée le meurtre. La peine de mort dans l’Afrique ancienne Dans l’Afrique ancienne, y compris dans certaines sociétés traditionnelles actuelles, la peine de mort figure parmi les châtiments appliqués aux membres du groupe qui auraient mis à mal ses équilibres fondamentaux. Toutefois, sur le continent noir, la peine de mort n’avait pas seulement pour finalité de punir un meurtre. Elle était aussi appliquée à l’encontre de ceux qui avaient par exemple violé un interdit majeur ; il pouvait s’agir d’un individu ordinaire ou du membre d’une société secrète. Précurseurs du combat contre la peine de mort Cependant, le débat moderne sur la peine de mort trouve son origine en Occident, précisément en France. Victor Hugo en fut l’un des précurseurs les plus éminents. Dans un discours qu’il prononce à l’Assemblée nationale le 15 septembre 1848, l’auteur du célèbre ouvrage Le Dernier Jour d’un condamné doute de l’exemplarité de la peine de mort pour les criminels condamnés et de sa force dissuasive pour les criminels potentiels : « Pour que l’exemple soit l’exemple, il faut qu’il soit grand ; s’il est petit, il ne fait pas frémir, il fait vomir. D’efficace il devient inutile, d’effrayant, misérable. Il ressemble à une lâcheté. Il en est une. La peine de mort furtive et secrète n’est plus que le guet-apens de la société sur l’individu. » Au XXe siècle, le célèbre écrivain Albert Camus, prix Nobel de littérature, est la personnalité qui aura mené les plaidoyers les plus brillants et les plus vigoureux contre la peine de mort, notamment dans l’un de ses ouvrages, Réflexions sur la guillotine : « On sait que le grand argument des partisans de la peine de mort est l’exemplarité du châtiment. On ne coupe pas seulement les têtes pour punir leurs porteurs, mais pour intimider, par un exemple effrayant, ceux qui seraient tentés de les imiter. La société ne se venge pas, elle veut seulement prévenir. Elle brandit la tête pour que les candidats au meurtre y lisent leur avenir et reculent. » S’il est indéniable que des progrès considérables ont été accomplis sur le chemin de l’abolition de la peine de mort, il n’en demeure pas moins que l’abolition complète n’est pas pour demain, lorsque l’on sait que les deux plus grandes puissances de la planète, la Chine et les États-Unis, n’ont pas encore banni cette peine de leurs législations pénales..⏱ Temps de lecture estimé : 6 minutes
Cette année, à la différence des précédentes et avec une intonation toute particulière, a connu un point d’orgue en France avec l’entrée au Panthéon de Robert Badinter, célèbre abolitionniste qui, le 17 septembre 1981, porta devant le parlement français la loi portant abolition de la peine de mort en France. Un plaidoyer que l’ancien professeur de droit et avocat au barreau de Paris, ancien garde des Sceaux (lors du premier septennat de François Mitterrand, du 23 juin 1981 au 19 février 1986), aura mené depuis 1972 et durant ses jeunes années d’avocat. La France a ainsi rendu un vibrant hommage à cette figure de proue de la lutte contre la peine capitale. Son abolition a été intégrée à la Constitution le 23 février 2007 par la loi constitutionnelle no 2007-239. Ladite loi a ajouté l’article 66-1 à la Constitution, qui stipule que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».
Le 28 novembre 1972, il lui fut donné la dramatique occasion d’assister au tragique spectacle de la mise à mort par la guillotine de l’un de ses clients condamné à la peine capitale. Aussi, lorsque François Mitterrand, dont il était très proche, devint président la République, le 10 mai 1981, l’une des premières lois que fit voter le parlement français fut celle portant abolition de la peine de mort.
Au-delà du combat d’un homme pour l’abolition de la peine de mort en France, force est de reconnaître que la marche demeure longue vers l’abolition de la peine de mort dans le reste du monde. Le 18 décembre 2007, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 62/149 appelant à un moratoire sur les exécutions dans le monde.
En 2024, pour s’en tenir aux statistiques actuellement disponibles et les plus récentes, l’état des lieux de ce combat dans le monde est peu reluisant.
Ainsi, selon Amnesty International, 1 500 personnes ont été exécutées dans le monde en 2024, quoique le nombre de pays ayant effectivement appliqué la peine de mort soit en nette baisse.
Toutefois, dans ces statistiques, il n’est pas pris en compte l’exécution de milliers de personnes en Chine, en Corée du Nord et au Vietnam, en raison de l’opacité qui est la règle dans ces pays, s’agissant de la diffusion d’informations aussi sensibles.
Toujours selon Amnesty International, 15 pays pratiquent encore la peine de mort dans le monde. Par ailleurs, en s’appuyant sur les informations disponibles, 9 exécutions sur 10 sont pratiquées par trois pays seulement, à savoir : l’Arabie Saoudite, l’Irak et l’Iran.
Le plaidoyer sur l’abolition de la peine de mort, tout comme l’institutionnalisation de la peine de mort, pose l’une des questions juridiques et philosophiques parmi les plus épineuses dans toutes les sociétés humaines.
Depuis la Haute Antiquité, les textes religieux inscrivent la peine de mort au rang des châtiments destinés à punir des actes déviants jugés extrêmement graves par le groupe ou l’ordre religieux régnant. C’est le cas par exemple du Code de Hammourabi en Mésopotamie. Dans les religions du Livre, celles dites abrahamiques, leurs inspirateurs ont surtout posé l’exigence de la proportionnalité de la peine, à l’instar de la loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent ».
Au plan philosophique, notamment dans la Grèce ancienne, Platon jugeait indispensable la peine de mort dans son ouvrage Les Lois, pour toute personne qui s’était rendue coupable de meurtre. Dans ce cas de figure, la peine de mort n’avait pas seulement une utilité punitive. Elle remplissait aussi une fonction expiatoire, car il fallait purifier la société de la souillure qu’avait engendrée le meurtre.
Dans l’Afrique ancienne, y compris dans certaines sociétés traditionnelles actuelles, la peine de mort figure parmi les châtiments appliqués aux membres du groupe qui auraient mis à mal ses équilibres fondamentaux.
Toutefois, sur le continent noir, la peine de mort n’avait pas seulement pour finalité de punir un meurtre. Elle était aussi appliquée à l’encontre de ceux qui avaient par exemple violé un interdit majeur ; il pouvait s’agir d’un individu ordinaire ou du membre d’une société secrète.
Cependant, le débat moderne sur la peine de mort trouve son origine en Occident, précisément en France. Victor Hugo en fut l’un des précurseurs les plus éminents. Dans un discours qu’il prononce à l’Assemblée nationale le 15 septembre 1848, l’auteur du célèbre ouvrage Le Dernier Jour d’un condamné doute de l’exemplarité de la peine de mort pour les criminels condamnés et de sa force dissuasive pour les criminels potentiels : « Pour que l’exemple soit l’exemple, il faut qu’il soit grand ; s’il est petit, il ne fait pas frémir, il fait vomir. D’efficace il devient inutile, d’effrayant, misérable. Il ressemble à une lâcheté. Il en est une. La peine de mort furtive et secrète n’est plus que le guet-apens de la société sur l’individu. »
Au XXe siècle, le célèbre écrivain Albert Camus, prix Nobel de littérature, est la personnalité qui aura mené les plaidoyers les plus brillants et les plus vigoureux contre la peine de mort, notamment dans l’un de ses ouvrages, Réflexions sur la guillotine : « On sait que le grand argument des partisans de la peine de mort est l’exemplarité du châtiment. On ne coupe pas seulement les têtes pour punir leurs porteurs, mais pour intimider, par un exemple effrayant, ceux qui seraient tentés de les imiter. La société ne se venge pas, elle veut seulement prévenir. Elle brandit la tête pour que les candidats au meurtre y lisent leur avenir et reculent. »
S’il est indéniable que des progrès considérables ont été accomplis sur le chemin de l’abolition de la peine de mort, il n’en demeure pas moins que l’abolition complète n’est pas pour demain, lorsque l’on sait que les deux plus grandes puissances de la planète, la Chine et les États-Unis, n’ont pas encore banni cette peine de leurs législations pénales.
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