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​Gratuité des visas d’entrée au Burkina Faso pour les Africains: entre mythes et réalités

​Gratuité des visas d’entrée au Burkina Faso pour les Africains: entre mythes et réalités. Article écrit par Éric Topona. Publié le 17 septembre 2025à 07h00

⏱ Temps de lecture estimé : 5 minutes

​C’est une décision qu’il convient à priori de saluer, en raison de son caractère avant-gardiste, dans la perspective d’une dynamique véritable d’intégration panafricaine. Sans toutefois tirer de conclusions hâtives, il faudra attendre que soit effectué un bilan d’étape dans les prochains mois, pour se convaincre qu’il s’agissait d’une initiative viable et désintéressée.. ​Le 11 septembre 2025, le Gouvernement du Burkina Faso, sous l’autorité du capitaine Ibrahim Traoré, a pris la décision en conseil de ministres d’instaurer la gratuité des visas d’entrée sur son territoire pour tous les voyageurs ressortissants de pays africains. ​ Cependant, ces frais  de visa ne concernaient pas les ressortissants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’instance communautaire qui garantissait la libre circulation des biens et des personnes au sein des États membres. La mesure est maintenue malgré  le retrait entériné le 29 janvier 2025 des trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) de la Cédéao: Niger, Mali et Burkina Faso. Le ministre de​ la sécurité ​Mahamadou Sana​ a tenu à préciser la vision dans laquelle s’inscrit cette décision: «Conformément à la vision panafricaniste du chef de l’Etat, le Burkina Faso réaffirme sa volonté de raffermir les liens historiques de fraternité entre les peuples africains ». Rehausser l’attractivité du Burkina Faso Au-delà de son engagement panafricaniste, credo du capitaine Traoré depuis sa prise de pouvoir, cette décision vise également à rehausser l’attractivité du pays au plan touristique, en raison de ses atouts réels en termes de sites naturels et historiques, mais aussi d’infrastructures. Depuis ​1969, le «pays des hommes intègres »​ accueille le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou​ (Fespaco), reconnu comme l’un des plus grands rendez-vous africains des spécialistes du 7e art. Au demeurant, il faut d’ores et déjà préciser que la gratuité des frais dans la délivrance des visas n’est pas synonyme d’exemption de visas. Les visas demeureront exigés pour tout étranger voulant rentrer au Burkina Faso. Il devra en faire la demande via un canal en ligne. C’est à l’issue de ce processus, lorsque sa demande aura reçu un avis positif, qu’il pourra voyager pour le Burkina Faso sans se voir exiger des frais de visas. Jusqu’à présent, un visa touristique coûte près de 55 000 FCFA (environ 84 euros) et le visa d’affaires peut atteindre, selon les cas, 93 500 FCFA (environ 142 euros). Le Burkina Faso, une destination touristique sécure? Cette politique de valorisation et d’attractivité du Burkina Faso auprès des peuples d’Afrique ne manque cependant pas de susciter de légitimes interrogations quant à ses chances de succès. L’une des exigences premières pour rendre touristiquement attractive une destination est sa capacité à garantir la sécurité des personnes et des biens. Or, sur ce volet, la situation au Burkina Faso demeure extrêmement préoccupante. Selon le ​Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (Conasur) et le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), le Burkina Faso compte plus de 2 millions de personnes déplacées internes (PDI) au premier trimestre 2025, soit environ 10% de sa population. Ces déplacés, pour 82% femmes et enfants, fuient les violences des groupes djihadistes qui contrôlent environ 40% du territoire national, surtout de la Boucle du Mouhoun​ (ou Volta Noire), située dans la partie occidentale de l’actuel Burkina Faso​ et de l’Est du pays. Ces crises confinent des millions de Burkinabè dans des camps ou quartiers précaires, souvent éloignés des services de base essentiels, exposés à la faim, aux maladies et aux attaques répétées. Elles imposent également à près d’un million de locaux un exil hors du Burkina Faso. Plus préoccupant, non seulement les morts se comptent par milliers, mais le Burkina Faso, pour la deuxième année consécutive, selon la publication la plus récente de l’Indice mondial du terrorisme, figure en tête des dix pays les plus affectés par le terrorisme, selon ​​l’Institute for Economics and Peace d’Australie. Dans ces conditions, comment des ressortissants de pays africains, même au prix de gratifications substantielles, prendraient-ils la destination du Burkina Faso à des fins touristiques, comme ils se rendraient au Botswana, au Maroc ou au Sénégal ? La priorité n’est-elle pas à la pacification du pays, cheval de bataille du capitaine Ibrahim Traoré au moment de sa prise de pouvoir ? Les autorités burkinabè n’auraient-elles pas mis la charrue avant les bœufs ? Ces interrogations conduisent à questionner l’opportunité de cette décision. Restriction de l’espace civique et politique Par ailleurs, on ne peut pas manquer de relever les restrictions inquiétantes de l’espace civique dans ce pays, s’agissant notamment de la liberté d’expression. Il est notoirement connu que c’est un obstacle à l’attractivité d’un pays. Le risque étant considérable pour un touriste de se voir injustement mis en cause sur la base d’une dénonciation calomnieuse. Sans toutefois tirer de conclusions hâtives, il faudra attendre que soit effectué un bilan d’étape dans les prochains mois, pour se convaincre qu’il s’agissait d’une initiative porteuse d’une réelle efficacité​ économique et d’une véritable perspective panafricaniste, ou d’une posture politicienne et purement démagogique..

⏱ Temps de lecture estimé : 5 minutes

​C’est une décision qu’il convient à priori de saluer, en raison de son caractère avant-gardiste, dans la perspective d’une dynamique véritable d’intégration panafricaine. Sans toutefois tirer de conclusions hâtives, il faudra attendre que soit effectué un bilan d’étape dans les prochains mois, pour se convaincre qu’il s’agissait d’une initiative viable et désintéressée.

​Le 11 septembre 2025, le Gouvernement du Burkina Faso, sous l’autorité du capitaine Ibrahim Traoré, a pris la décision en conseil de ministres d’instaurer la gratuité des visas d’entrée sur son territoire pour tous les voyageurs ressortissants de pays africains. ​

Cependant, ces frais  de visa ne concernaient pas les ressortissants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’instance communautaire qui garantissait la libre circulation des biens et des personnes au sein des États membres. La mesure est maintenue malgré  le retrait entériné le 29 janvier 2025 des trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) de la Cédéao: Niger, Mali et Burkina Faso.

Le ministre de​ la sécurité ​Mahamadou Sana​ a tenu à préciser la vision dans laquelle s’inscrit cette décision:

«Conformément à la vision panafricaniste du chef de l’Etat, le Burkina Faso réaffirme sa volonté de raffermir les liens historiques de fraternité entre les peuples africains ».

Rehausser l’attractivité du Burkina Faso

Au-delà de son engagement panafricaniste, credo du capitaine Traoré depuis sa prise de pouvoir, cette décision vise également à rehausser l’attractivité du pays au plan touristique, en raison de ses atouts réels en termes de sites naturels et historiques, mais aussi d’infrastructures.

Depuis ​1969, le «pays des hommes intègres »​ accueille le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou​ (Fespaco), reconnu comme l’un des plus grands rendez-vous africains des spécialistes du 7e art.

Au demeurant, il faut d’ores et déjà préciser que la gratuité des frais dans la délivrance des visas n’est pas synonyme d’exemption de visas. Les visas demeureront exigés pour tout étranger voulant rentrer au Burkina Faso. Il devra en faire la demande via un canal en ligne. C’est à l’issue de ce processus, lorsque sa demande aura reçu un avis positif, qu’il pourra voyager pour le Burkina Faso sans se voir exiger des frais de visas.

Jusqu’à présent, un visa touristique coûte près de 55 000 FCFA (environ 84 euros) et le visa d’affaires peut atteindre, selon les cas, 93 500 FCFA (environ 142 euros).

Le Burkina Faso, une destination touristique sécure?

Cette politique de valorisation et d’attractivité du Burkina Faso auprès des peuples d’Afrique ne manque cependant pas de susciter de légitimes interrogations quant à ses chances de succès. L’une des exigences premières pour rendre touristiquement attractive une destination est sa capacité à garantir la sécurité des personnes et des biens. Or, sur ce volet, la situation au Burkina Faso demeure extrêmement préoccupante.

Selon le ​Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (Conasur) et le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), le Burkina Faso compte plus de 2 millions de personnes déplacées internes (PDI) au premier trimestre 2025, soit environ 10% de sa population. Ces déplacés, pour 82% femmes et enfants, fuient les violences des groupes djihadistes qui contrôlent environ 40% du territoire national, surtout de la Boucle du Mouhoun​ (ou Volta Noire), située dans la partie occidentale de l’actuel Burkina Faso​ et de l’Est du pays.

Ces crises confinent des millions de Burkinabè dans des camps ou quartiers précaires, souvent éloignés des services de base essentiels, exposés à la faim, aux maladies et aux attaques répétées. Elles imposent également à près d’un million de locaux un exil hors du Burkina Faso.

Plus préoccupant, non seulement les morts se comptent par milliers, mais le Burkina Faso, pour la deuxième année consécutive, selon la publication la plus récente de l’Indice mondial du terrorisme, figure en tête des dix pays les plus affectés par le terrorisme, selon ​​l’Institute for Economics and Peace d’Australie.

Dans ces conditions, comment des ressortissants de pays africains, même au prix de gratifications substantielles, prendraient-ils la destination du Burkina Faso à des fins touristiques, comme ils se rendraient au Botswana, au Maroc ou au Sénégal ?

La priorité n’est-elle pas à la pacification du pays, cheval de bataille du capitaine Ibrahim Traoré au moment de sa prise de pouvoir ?

Les autorités burkinabè n’auraient-elles pas mis la charrue avant les bœufs ?

Ces interrogations conduisent à questionner l’opportunité de cette décision.

Restriction de l’espace civique et politique

Par ailleurs, on ne peut pas manquer de relever les restrictions inquiétantes de l’espace civique dans ce pays, s’agissant notamment de la liberté d’expression.

Il est notoirement connu que c’est un obstacle à l’attractivité d’un pays. Le risque étant considérable pour un touriste de se voir injustement mis en cause sur la base d’une dénonciation calomnieuse.

Sans toutefois tirer de conclusions hâtives, il faudra attendre que soit effectué un bilan d’étape dans les prochains mois, pour se convaincre qu’il s’agissait d’une initiative porteuse d’une réelle efficacité​ économique et d’une véritable perspective panafricaniste, ou d’une posture politicienne et purement démagogique.

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