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​​Démocratie dans le doute en Afrique, retour du multilatéralisme

​​Démocratie dans le doute en Afrique, retour du multilatéralisme. Article écrit par Éric Topona. Publié le 2 décembre 2025à 16h05

⏱ Temps de lecture estimé : 5 minutes

Les rideaux s’abaissent ​lentement mais sûrement sur l’année 2025. Rarement, depuis le début du xxie siècle, une année n’avait connu autant de secousses, hormis 2001 et les attentats du 11 septembre de la mouvance ​​Al-Qaida d’Oussama Ben Laden contre les États-Unis d’Amérique​. Et l’année 2002, celle de l’intervention militaire américaine en Irak, lors de la croisade surréaliste des néoconservateurs américains contre un « axe du mal » imaginaire. Ce fut aussi le début d’une remise en question du multilatéralisme, ce concept de la fin du siècle dernier qui prône une gestion concertée des affaires du monde, notamment s’agissant des défis majeurs auquel est confrontée la communauté internationale dans le contexte de la mondialisation. Sans verser dans un catastrophisme inopportun, l’année 2025 aura été celle de la crise la plus grave du multilatéralisme avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, celle du recul des libertés démocratiques, y compris dans les États qui en ont été les précurseurs. Et dans ce mouvement de glaciation des libertés, une certaine Afrique n’a pas été en reste. Il faut bien évidemment se féliciter de la transition démocratique réussie au Malawi où le chef de l’État sortant, ​Lazarus Chakwera​, défait dans les urnes, aura eu l’élégance démocratique de féliciter le leader de l’opposition victorieux, ​Peter Mutharika​, tout en lui promettant son concours pour une passation pacifique du pouvoir. En revanche, au Cameroun, en Tanzanie et, dans une certaine mesure, en Côte d’Ivoire, pour ne citer que ces pays, les signaux sont réellement inquiétants. Si les candidats sortants ont été déclarés vainqueurs, il faut souligner que ce fut au prix de graves entorses avec les principes de l’État de droit et à l’issue de scrutins d’exclusion. Dès lors, il apparaît que les procédures de renouvellement du personnel politique dans de nombreux pays africains sont devenues des formalismes creux, qui sont loin de refléter la volonté majoritaire du peuple souverain. Au Sahel, dans les ​pays de l​’Alliance des États du Sahel, les mandats présidentiels sont désormais institués par décrets des juntes au pouvoir. Même à l’époque des partis uniques, les « hommes forts » de cette époque organisaient des simulacres d’élections pour se donner bonne conscience, même dans la Russie actuelle de Vladimir Poutine, qui semble devenue leur modèle politique. Dans un tel contexte, on comprend que les appels naguère insistants à la libération du chef de l’État nigérien Mohamed Bazoum, pourtant démocratiquement élu, mais déchu par les armes, ​le 26 juillet 2023, se font de plus en plus rares. Il faut espérer que l’amorce récente d’un rapprochement entre l’AES et l​a ​Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dans le cadre de leur lutte commune contre le terrorisme djihadiste, servira aussi de passerelle à la libération de ce martyr de la démocratie et de l’État de droit. Dans ce contexte tout aussi incertain qu’inquiétant sur l’état des libertés démocratiques et de l’alternance au sommet du pouvoir en Afrique, la Guinée-Bissau vient de s’illustrer de manière singulière et inédite. Ce qui n’était jusqu’à présent qu’un soupçon semble de plus en plus se confirmer.  ​À savoir la simulation par le chef de l’État sortant et candidat à sa propre succession, ​​Umaro Sissoco Embaló, d’un “​vrai faux” coup d’État au bénéfice de ses obligés de l’armée, afin de ne pas voir proclamé vainqueur ​Fernando Diaz, après avoir écarté de la compétition la principale formation de l’opposition, le ​Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert ​(PAIGC​), dirigé depuis 2014 par Domingos Simões Pereira. Les militaires, qui disent pourtant avoir pris le pouvoir pour restaurer l’État de droit, ont confisqué les procès-verbaux du scrutin, selon la commission électorale nationale. Ce feuilleton ubuesque est loin de connaître son terme. Ce tableau préoccupant de l’état des lieux de la démocratie et des libertés en Afrique en 2025 n’est guère de nature à laisser augurer d’une année 2026 apaisée et rassurante. Si dans une certaine opinion africaine continue de prévaloir l’éternel procès des forces exogènes et néocoloniales qui seraient à l’origine des malheurs de l’Afrique, notamment en Afrique francophone, il est plus que jamais temps pour cette région du continent africain de faire son aggiornamento. Son sursaut ne viendra ni de Moscou ni de Pékin, mais d’elle-même..

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Les rideaux s’abaissent ​lentement mais sûrement sur l’année 2025. Rarement, depuis le début du xxie siècle, une année n’avait connu autant de secousses, hormis 2001 et les attentats du 11 septembre de la mouvance ​​Al-Qaida d’Oussama Ben Laden contre les États-Unis d’Amérique​. Et l’année 2002, celle de l’intervention militaire américaine en Irak, lors de la croisade surréaliste des néoconservateurs américains contre un « axe du mal » imaginaire. Ce fut aussi le début d’une remise en question du multilatéralisme, ce concept de la fin du siècle dernier qui prône une gestion concertée des affaires du monde, notamment s’agissant des défis majeurs auquel est confrontée la communauté internationale dans le contexte de la mondialisation.

Sans verser dans un catastrophisme inopportun, l’année 2025 aura été celle de la crise la plus grave du multilatéralisme avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, celle du recul des libertés démocratiques, y compris dans les États qui en ont été les précurseurs.

Et dans ce mouvement de glaciation des libertés, une certaine Afrique n’a pas été en reste. Il faut bien évidemment se féliciter de la transition démocratique réussie au Malawi où le chef de l’État sortant, ​Lazarus Chakwera​, défait dans les urnes, aura eu l’élégance démocratique de féliciter le leader de l’opposition victorieux, ​Peter Mutharika​, tout en lui promettant son concours pour une passation pacifique du pouvoir. En revanche, au Cameroun, en Tanzanie et, dans une certaine mesure, en Côte d’Ivoire, pour ne citer que ces pays, les signaux sont réellement inquiétants. Si les candidats sortants ont été déclarés vainqueurs, il faut souligner que ce fut au prix de graves entorses avec les principes de l’État de droit et à l’issue de scrutins d’exclusion. Dès lors, il apparaît que les procédures de renouvellement du personnel politique dans de nombreux pays africains sont devenues des formalismes creux, qui sont loin de refléter la volonté majoritaire du peuple souverain.

Au Sahel, dans les ​pays de l​’Alliance des États du Sahel, les mandats présidentiels sont désormais institués par décrets des juntes au pouvoir.

Même à l’époque des partis uniques, les « hommes forts » de cette époque organisaient des simulacres d’élections pour se donner bonne conscience, même dans la Russie actuelle de Vladimir Poutine, qui semble devenue leur modèle politique. Dans un tel contexte, on comprend que les appels naguère insistants à la libération du chef de l’État nigérien Mohamed Bazoum, pourtant démocratiquement élu, mais déchu par les armes, ​le 26 juillet 2023, se font de plus en plus rares. Il faut espérer que l’amorce récente d’un rapprochement entre l’AES et l​a ​Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dans le cadre de leur lutte commune contre le terrorisme djihadiste, servira aussi de passerelle à la libération de ce martyr de la démocratie et de l’État de droit.

Dans ce contexte tout aussi incertain qu’inquiétant sur l’état des libertés démocratiques et de l’alternance au sommet du pouvoir en Afrique, la Guinée-Bissau vient de s’illustrer de manière singulière et inédite. Ce qui n’était jusqu’à présent qu’un soupçon semble de plus en plus se confirmer.  ​À savoir la simulation par le chef de l’État sortant et candidat à sa propre succession, ​​Umaro Sissoco Embaló, d’un “​vrai faux” coup d’État au bénéfice de ses obligés de l’armée, afin de ne pas voir proclamé vainqueur ​Fernando Diaz, après avoir écarté de la compétition la principale formation de l’opposition, le ​Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert ​(PAIGC​), dirigé depuis 2014 par Domingos Simões Pereira. Les militaires, qui disent pourtant avoir pris le pouvoir pour restaurer l’État de droit, ont confisqué les procès-verbaux du scrutin, selon la commission électorale nationale. Ce feuilleton ubuesque est loin de connaître son terme.

Ce tableau préoccupant de l’état des lieux de la démocratie et des libertés en Afrique en 2025 n’est guère de nature à laisser augurer d’une année 2026 apaisée et rassurante. Si dans une certaine opinion africaine continue de prévaloir l’éternel procès des forces exogènes et néocoloniales qui seraient à l’origine des malheurs de l’Afrique, notamment en Afrique francophone, il est plus que jamais temps pour cette région du continent africain de faire son aggiornamento. Son sursaut ne viendra ni de Moscou ni de Pékin, mais d’elle-même.

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