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Au pouvoir depuis le 6 mai 2011 à l'issue d'une crise post-électorale meurtrière, le président sortant, Alassane Dramane Ouattara, brigue un quatrième mandat de cinq ans. Analyse de la versatilité de l'ancien Premier ministre et directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI).. Il aura entretenu longtemps un faux suspense, aiguisant des ambitions et des appétits qui ont su demeurer discrets jusqu’au moment où Alassane Dramane Ouattara a décidé de révéler ce qui n’était alors qu’un secret de polichinelle. Dans une déclaration de fin juillet 2025, via les réseaux sociaux, reprise à la télévision publique, la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI), un groupe ivoirien de télévision et de radio créé le 26 octobre 1962, ADO, comme l’appellent affectueusement ses partisans, a justifié sa décision d’être à nouveau candidat à la présidentielle du 25 octobre 2025 par la nécessité de préserver la stabilité nationale face aux défis « sécuritaire, économique et monétaire sans précédent ». Nous sommes très loin de cette journée unique dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire, lorsque Alassane Dramane Ouattara annonça, début mars 2020, sa décision de ne pas solliciter un troisième mandat, par respect scrupuleux de la constitution ivoirienne. Dans la même séquence, il adouba son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, son dauphin désigné, qui fut malheureusement emporté quelques mois plus tard par une maladie fulgurante, le 8 juillet 2020. ADO reprend le bâton du Timonier Depuis lors, le président ivoirien n’a plus jamais parlé de dauphin putatif ou désigné. Comme si, dans une Côte d’Ivoire et une Afrique où le surnaturel imprègne tous les actes du quotidien, il n’est pas bon pour le roi de désigner le notable de la cour qui lui succédera, sans attirer sur l’heureux élu les foudres des ancêtres et des dieux. Que de désigner un nouveau dauphin, Alassane Ouattara a plutôt repris le bâton du Timonier et est entré dans l’arène politique ivoirienne pour ne plus jamais en sortir. Si sa récente candidature n’a pas surpris grand monde, il faut reconnaître que de grands signes politiques annonciateurs fondaient tout observateur perspicace de la vie politique ivoirienne à affirmer que le candidat sortant sera sur la ligne de départ pour la présidentielle du 25 octobre 2025. Il y eut d’abord le toilettage, au propre comme au figuré, de la liste électorale. Tous condamnés à de lourdes peines de prison qui les rendent inéligibles, l’ancien président Laurent Gbagbo, son ex-bras droit Charles Blé Goudé et l’ex-Premier ministre et président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro n’ont jamais bénéficié d’une loi d’amnistie qui aurait rendu possible en droit leur inscription sur la liste électorale. Le dernier en date à se voir exclu de la ligne de départ de la présidentielle d’octobre 2025 fut Tidjane Thiam, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) depuis décembre 2023, pour des raisons scabreuses de nationalité. Ambitions déçues Alassane Dramane Ouattara aura nourri et déçu bien des ambitions ; et, de toutes, aucune ne l’aura été autant que celle de Guillaume Soro. Pour l’ancien chef rebelle, aujourd’hui en exil, banni et voué aux gémonies, la désillusion fut cruelle. Il s’est longtemps vu calife à la place du calife. Compagnon de lutte et bras droit de Ouattara dans les années d’opposition – politique puis militaire – à Laurent Gbagbo, il a longtemps cru aux promesses de retour d’ascenseur de son mentor. Ministre de la Défense, Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale, l’étoile de Guillaume Soro a brillé d’un si grand éclat au firmament de la vie politique ivoirienne que, sur le continent africain, de nombreux chefs d’État voyaient en lui le successeur d’Alassane Dramane Ouattara. Puis vint le désaccord lorsque Soro refusa de rejoindre le RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix), et enfin la disgrâce lorsqu’il décida de faire cavalier seul dans sa nouvelle écurie, Générations solidaires, après sa démission de la présidence de l’Assemblée nationale en février 2019. Que dire de Daniel Kablan Duncan, ancien Vice-président (2017-2020), si proche de la « Terre promise », mais qui aura tôt fait de déchanter. Boulevard balisé pour ADO et bilan satisfaisant Il est d’ores et déjà permis d’affirmer, sans risque de se voir démenti par l’avenir, que la voie est largement balisée pour une réélection à la Pyrrhus d’ADO. Mais au-delà du versant contestable de sa candidature, force est de reconnaître qu’Alassane Dramane Ouattara peut revendiquer un bon bilan pour solliciter les suffrages des Ivoiriens, s’il ne fallait s’en tenir qu’aux arguments de campagne. Il est arrivé au pouvoir dans des conditions « calamiteuses » – comme le disait Laurent Gbagbo au sujet de sa propre élection en 2000 –, il prend les rênes d’un pays profondément meurtri, divisé et défiguré par la guerre. Le nouveau chef de l’État s’est employé à œuvrer pour la réconciliation, même si son obstination à voir Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé demeurer ad vitam aeternam incarcérés à La Haye demeurera à jamais un point sombre sur ce tableau. Néanmoins, Alassane Dramane Ouattara aura incontestablement été un grand bâtisseur. C’est certainement le point positif que l’histoire retiendra de lui. Sous ses mandatures, la Côte d’Ivoire a été un chantier permanent. Des infrastructures ultramodernes, le réseau routier, les services modernes et avant-gardistes sont à mettre à son actif. À telle enseigne que la Côte d’Ivoire est citée en exemple par d’autres pays qui accusent des retards considérables dans ces secteurs, alors que leurs gouvernants cumulent des décennies de pouvoir. Consolider la paix et l’unité du pays Dès lors, il y a lieu de se demander : un nouveau mandat de Ouattara, pour quoi faire ? Si la Côte d’Ivoire peut se targuer d’avoir connu de grandes avancées dans le domaine des investissements, il faut cependant reconnaître que le tissu humain et social demeure fragile. En Côte d’Ivoire comme à l’international, de nombreux observateurs ont été scandalisés de voir le pays de Félix Houphouët-Boigny renouer avec les démons de l’ivoirité pour écarter le banquier Tidiane Thiam de la course à la présidentielle, sans que dans les rangs du pouvoir ne s’élèvent de vigoureuses protestations pour endiguer ce poison de la vie politique ivoirienne. Cette séquence déplorable du processus électoral actuel a laissé des meurtrissures dans les esprits. Nul ne peut préjuger de leur impact sur le processus électoral en cours. Le candidat et chef de l’État sortant devrait s’en préoccuper dès à présent, autant que de sa réélection qui ne fait l’ombre d’aucun doute..⏱ Temps de lecture estimé : 7 minutes
Nous sommes très loin de cette journée unique dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire, lorsque Alassane Dramane Ouattara annonça, début mars 2020, sa décision de ne pas solliciter un troisième mandat, par respect scrupuleux de la constitution ivoirienne. Dans la même séquence, il adouba son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, son dauphin désigné, qui fut malheureusement emporté quelques mois plus tard par une maladie fulgurante, le 8 juillet 2020.
Depuis lors, le président ivoirien n’a plus jamais parlé de dauphin putatif ou désigné. Comme si, dans une Côte d’Ivoire et une Afrique où le surnaturel imprègne tous les actes du quotidien, il n’est pas bon pour le roi de désigner le notable de la cour qui lui succédera, sans attirer sur l’heureux élu les foudres des ancêtres et des dieux. Que de désigner un nouveau dauphin, Alassane Ouattara a plutôt repris le bâton du Timonier et est entré dans l’arène politique ivoirienne pour ne plus jamais en sortir.
Si sa récente candidature n’a pas surpris grand monde, il faut reconnaître que de grands signes politiques annonciateurs fondaient tout observateur perspicace de la vie politique ivoirienne à affirmer que le candidat sortant sera sur la ligne de départ pour la présidentielle du 25 octobre 2025.
Il y eut d’abord le toilettage, au propre comme au figuré, de la liste électorale.
Tous condamnés à de lourdes peines de prison qui les rendent inéligibles, l’ancien président Laurent Gbagbo, son ex-bras droit Charles Blé Goudé et l’ex-Premier ministre et président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro n’ont jamais bénéficié d’une loi d’amnistie qui aurait rendu possible en droit leur inscription sur la liste électorale. Le dernier en date à se voir exclu de la ligne de départ de la présidentielle d’octobre 2025 fut Tidjane Thiam, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) depuis décembre 2023, pour des raisons scabreuses de nationalité.
Alassane Dramane Ouattara aura nourri et déçu bien des ambitions ; et, de toutes, aucune ne l’aura été autant que celle de Guillaume Soro. Pour l’ancien chef rebelle, aujourd’hui en exil, banni et voué aux gémonies, la désillusion fut cruelle. Il s’est longtemps vu calife à la place du calife.
Compagnon de lutte et bras droit de Ouattara dans les années d’opposition – politique puis militaire – à Laurent Gbagbo, il a longtemps cru aux promesses de retour d’ascenseur de son mentor. Ministre de la Défense, Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale, l’étoile de Guillaume Soro a brillé d’un si grand éclat au firmament de la vie politique ivoirienne que, sur le continent africain, de nombreux chefs d’État voyaient en lui le successeur d’Alassane Dramane Ouattara.
Puis vint le désaccord lorsque Soro refusa de rejoindre le RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix), et enfin la disgrâce lorsqu’il décida de faire cavalier seul dans sa nouvelle écurie, Générations solidaires, après sa démission de la présidence de l’Assemblée nationale en février 2019.
Que dire de Daniel Kablan Duncan, ancien Vice-président (2017-2020), si proche de la « Terre promise », mais qui aura tôt fait de déchanter.
Il est d’ores et déjà permis d’affirmer, sans risque de se voir démenti par l’avenir, que la voie est largement balisée pour une réélection à la Pyrrhus d’ADO.
Mais au-delà du versant contestable de sa candidature, force est de reconnaître qu’Alassane Dramane Ouattara peut revendiquer un bon bilan pour solliciter les suffrages des Ivoiriens, s’il ne fallait s’en tenir qu’aux arguments de campagne.
Il est arrivé au pouvoir dans des conditions « calamiteuses » – comme le disait Laurent Gbagbo au sujet de sa propre élection en 2000 –, il prend les rênes d’un pays profondément meurtri, divisé et défiguré par la guerre. Le nouveau chef de l’État s’est employé à œuvrer pour la réconciliation, même si son obstination à voir Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé demeurer ad vitam aeternam incarcérés à La Haye demeurera à jamais un point sombre sur ce tableau.
Néanmoins, Alassane Dramane Ouattara aura incontestablement été un grand bâtisseur. C’est certainement le point positif que l’histoire retiendra de lui. Sous ses mandatures, la Côte d’Ivoire a été un chantier permanent. Des infrastructures ultramodernes, le réseau routier, les services modernes et avant-gardistes sont à mettre à son actif. À telle enseigne que la Côte d’Ivoire est citée en exemple par d’autres pays qui accusent des retards considérables dans ces secteurs, alors que leurs gouvernants cumulent des décennies de pouvoir.
Dès lors, il y a lieu de se demander : un nouveau mandat de Ouattara, pour quoi faire ? Si la Côte d’Ivoire peut se targuer d’avoir connu de grandes avancées dans le domaine des investissements, il faut cependant reconnaître que le tissu humain et social demeure fragile.
En Côte d’Ivoire comme à l’international, de nombreux observateurs ont été scandalisés de voir le pays de Félix Houphouët-Boigny renouer avec les démons de l’ivoirité pour écarter le banquier Tidiane Thiam de la course à la présidentielle, sans que dans les rangs du pouvoir ne s’élèvent de vigoureuses protestations pour endiguer ce poison de la vie politique ivoirienne.
Cette séquence déplorable du processus électoral actuel a laissé des meurtrissures dans les esprits. Nul ne peut préjuger de leur impact sur le processus électoral en cours. Le candidat et chef de l’État sortant devrait s’en préoccuper dès à présent, autant que de sa réélection qui ne fait l’ombre d’aucun doute.
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