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​Martin Ziguélé: «Nous ne pouvons pas nous engager dans un processus qui ressemble à un piège à rat»

​Martin Ziguélé: «Nous ne pouvons pas nous engager dans un processus qui ressemble à un piège à rat». Article écrit par Èric Topona. Publié le 7 octobre 2025à 07h00

⏱ Temps de lecture estimé : 10 minutes

​Martin Ziguélé a été plusieurs fois candidat à la présidentielle de son pays. L'ancien Premier ministre qui dirige le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC)  se prononce sur plusieurs sujets brûlants de l'actualité : élections générales de fin décembre 2025 ; stratégie du Bloc républicain pour la défense de la Constitution de mars 2016 (BRDC), dont il est le porte-parole ; présence russe en RCA ; le sort de l’ancien président nigérien, Mohamed Bazoum ; la situation politique et sécuritaire dans le Sahel. Le député de Paoua (nord-ouest de la République centrafricaine), par ailleurs membre de la Commission économie, finances et plan à l'Assemblée nationale, répond sans détour aux questions de Vent d’Afrique.​ Interview.. Ventdafrique.com : Le président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, a signé, le lundi 29 septembre 2025, un décret convoquant le corps électoral pour le premier tour des élections présidentielle, législatives, régionales et municipales​. Ce quadruple​ scrutin est prévu pour le 28 décembre 2025. Est-ce que votre parti​, le MLPC, y participera​ ? Martin Ziguélé :​ Nous sommes membres du Bloc républicain pour la défense de la Constitution du 30 mars 2016, qui demande depuis plus d’un an un dialogue politique préélectoral pour discuter des conditions d’organisation d’élections inclusives, transparentes et équitables. Nous ne pouvons pas nous engager et engager le parti dans un processus qui ressemble à un piège à rats. Ventdafrique.com : Dans quelles conditions participeriez-vous à ces élections ? Martin Ziguélé : Nous ne participerons à ces élections qu’après un dialogue politique nous permettant d’obtenir des élections inclusives parce que la Constitution de 2023 du président Touadéra catégorise les Centrafricains en deux groupes : les Centrafricains dits d’origine et ceux qui ne seraient pas d’origine. De même, nous demandons la restructuration profonde de l’Autorité nationale des élections​ (ANE) et du Conseil constitutionnel. Ventdafrique.com : À deux mois des élections générale​s de fin décembre 2025, le ​Bloc républicain pour la défense de la Constitution de mars 2016 (BRDC), plateforme de partis d’opposition et d’associations de la société civile et dont vous êtes le porte-parole, a ​justement exprimé ses craintes lors d’une conférence de presse tenue récemment à Bangui. Quelles sont ces craintes ? Martin Ziguélé : Nos craintes sont fondées sur des faits avérés. Je ne prendrai qu’un seul exemple : aujourd’hui, le corps électoral a été convoqué pour les élections groupées du 28 décembre sans qu’il y ait le moindre affichage des listes électorales dans les communes comme l’exige la loi. Comment peut-on convoquer le corps électoral sans qu’il y ait affichage préalable des listes puisque pour être candidat il faut être électeur ? Ventdafrique.com : Le président Faustin-Archange Touadéra avait initialement affiché son ouverture à un dialogue, en mars​ 2025, avant de durcir sa position lors du congrès de son parti, le Mouvement Cœurs unis (MCU), en juillet​ de la même année. ​Êtes-vous déçu ? Martin Ziguélé : Quelqu’un qui a renié la Constitution sous laquelle il a été élu et réélu et sur laquelle il a prêté deux fois serment ne peut que reproduire ce genre de comportement. Le président Touadéra est en campagne électorale depuis sa réélection en 2020. Il use de populisme et agite les extrêmes. Sa démarche est essentiellement tactique et à courte vue. L’avenir du pays et sa stabilité politique à long terme, conditions sine qua non d’un développement durable, ne l’intéressent pas. D’où ces revirements. Ventdafrique.com : Vous faites ​donc partie des pourfendeurs de la modification de la Constitution de 2015 intervenue le 30 juillet 2023. Une modification qui remet les compteurs à zéro et permet ​ainsi au président Touadéra d’être à nouveau candidat lors de l’élection présidentielle de décembre 2025. Est-ce que le vin n’est pas tiré et ne reste-t-il plus qu’à le boire ? Martin Ziguélé : Je vous l’ai dit dès le départ, nous sommes constitués en un Bloc politique contre cette Constitution, essentiellement parce qu’elle divise les Centrafricains et consacre un net recul démocratique. Ventdafrique.com : L’une des dispositions de la Constitution révisée prévoit que ne sont pas autorisés à se présenter à l’élection présidentielle les Centrafricains qui possèdent la double nationalité. Or, bon nombre de futurs candidats​, notamment de l’opposition, sont des binationaux. Êtes-vous ​personnellement concerné​ par cette disposition constitutionnelle ? Martin Ziguélé : À titre personnel, je ne suis pas concerné. Je n’ai que la seule nationalité centrafricaine depuis ma naissance. Cependant​, je ne peux accepter que le critère de binationalité soit retenu pour écarter des compatriotes. Ventdafrique.com : Grâce à la facilitation du Tchad, un accord de paix a été signé entre le gouvernement centrafricain et deux groupes armés actifs dans le pays :​ Retour, Réclamation et Réhabilitation (3R) et Union pour la paix en Centrafrique (UPC). Cet accord, conclu, marque-t-il selon vous une nouvelle étape dans les efforts de stabilisation de la République centrafricaine (RCA), théâtre d’un conflit prolongé ? Martin Ziguélé : Je l’espère pour notre pays et pour nos populations qui ont beaucoup souffert et souffrent encore des graves exactions de ces groupes armés. Je salue toujours les efforts de paix, quels qu’ils soient, mais les chefs de guerre responsables de ces deux groupes rebelles, qui ne sont pas centrafricains, doivent être rapatriés, en application du Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Rapatriement (DDRR). Ventdarique.com :  ​Le ministère de la Défense russe devait dépêcher, ces prochaines semaines, les premiers ​mercenaires de son bras armé Africa Corps à Bangui​ pour remplacer Wagner. ​Sont-ils déjà sur place ? Martin Ziguélé : Africa Corps, à ma connaissance, n’a pas encore remplacé les mercenaires du groupe Wagner dans notre pays. Il paraît que cela ne saurait tarder. Attendons de voir​. Ventdafrique.com : Wagner, ​qui sera remplacé par Africa Corps, ​est accusé de piller les ressources de votre pays. Est-ce que ce sont des informations à prendre au sérieux ?   Martin Ziguélé : Comme je vous l’ai souligné plus haut, Africa Corps n’est pas encore présente sur le terrain. Par contre, les mercenaires du groupe Wagner, si. Les nombreuses exactions des mercenaires du groupe Wagner sont très largement documentées, y compris le pillage des ressources naturelles. Ventdafrique.com : ​Est-ce que la RCA bénéficie du partenariat ​avec la Russie ? Martin Ziguélé : ​À ce jour, en dehors des annonces, je ne vois rien de concret sur le plan économique. Ventdafrique.com : Les soldats français de l’opération Sangaris ont quitté la RCA ​depuis mi-décembre 2022. Quel est l’état de la coopération entre la RCA et la France ? Martin Ziguélé : Notre pays a signé une feuille de route pour relancer la coopération avec la France, après une période tumultueuse. Cette feuille de route n’a pas été rendue publique​. Donc il m’est difficile de dire ce qui se passe réellement, ni si cela correspond à la feuille de route. Ventdafrique.com : Voilà plus de deux ans que votre camarade de l’international socialiste, l’ancien président nigérien Mohamed Bazoum, est séquestré au palais présidentiel de Niamey après le putsch qui l’a renversé le 26 juillet 2025. Avez-vous de ses nouvelles ? Martin Ziguélé : Oui, en effet, cela fait plus de deux ans que mon frère et camarade de lutte le président Bazoum est détenu, avec son épouse, au sous-sol de son propre palais suite à un coup d’État injustifiable. J’ai eu de ses nouvelles les deux premiers mois suivant le putsch, mais ensuite, comme vous le savez, ses bourreaux lui ont enlevé tout moyen de communication. Ventdafrique.com : Comment analysez-vous la situation politique et sécuritaire qui prévaut dans les pays de l’Alliance des États du Sahel ? Martin Ziguélé : Je voudrais d’abord relever que ces trois États du Sahel étaient dirigés par des camarades démocratiquement élus. Les militaires qui les ont renversés sous des prétextes divers et variés ont largement fait la preuve de leur inefficacité, en dehors ​d’une logorrhée pseudo-panafricaniste et pseudo-anti-impérialiste. Ce sont des juntes improbables qui ont d’ailleurs jeté le masque en enterrant toute idée d’élections. Ventdafrique.com : La France est accusée régulièrement par ​ces régimes militaires du Sahel d’être à l’origine de l’amplification du djihadisme​ dans la région. Le pensez-vous aussi ? Martin Ziguélé : Je n’ai aucune confiance dans la parole de ces putschistes. Ils accusent le monde entier de leurs malheurs alors qu’ils sont les premiers responsables des problèmes de leurs pays. La place de nos armées est dans les casernes, pas à la tête de nos pays. Ventdafrique.com : ​Vous aviez fait allusion plus haut à « une logorrhée pseudo-panafricaniste et pseudo-anti-impérialiste​ ». Pourtant, ces militaires au pouvoir dans les trois pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso), ​eux, disent prôner le ​ »vrai » panafricanisme sur fond de souverainisme. ​Quelle est votre réaction ? Martin Ziguélé : Je ne serai pas long sur cette question. S’ils étaient vraiment panafricanistes, ils ne quitteraient pas la ​Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest​ (CEDEAO​). Ventdafrique.com : Après l’adoption récente par référendum d’une nouvelle Constitution, les Guinéens se rendront aux urnes le 28 décembre 2025. Est-ce un pas positif​ vers un retour à l’ordre constitutionnel ? Martin Ziguélé : Difficile à affirmer.  J’ai beaucoup de frères et de camarades en Guinée, et de ce qu’ils me disent et de ce que j’apprends sur les médias, le processus guinéen est vicié par la volonté du chef de la junte de rester au pouvoir. Dans le fond​, la démarche politique est la même que pour les États de l‘AES qui eux ne s’embarrassent pas de scrupules. Ventdafrique.com : Comment réagissez-vous à la situation qui prévaut dans la bande de Gaza ? Martin Ziguélé : Ce qui se passe à Gaza est inacceptable à tous points de vue. Il est clair que nous assistons à un génocide avec la bénédiction de certaines nations, et non des moindres, dites civilisées. Ventdafrique.com : Les Camerounais se rendent aux urnes le 12 octobre  2025 pour élire leur nouveau président de la République. Êtes-vous inquiet​ ?  Martin Ziguélé : Le Cameroun est le pays le plus structuré et le plus stable en Afrique centrale, car il n’en est qu’à son deuxième président de la République depuis l’indépendance​ en 1960. Naturellement, je porte un regard fraternel sur ce qui s’y passe. Nous sommes certainement proches d’une mutation​ générationnelle qui, je l’espère, sera douce. Propos recueillis par Éric Topona, directeur de ​la publication de ventdafrique.com..

⏱ Temps de lecture estimé : 10 minutes

​Martin Ziguélé a été plusieurs fois candidat à la présidentielle de son pays. L’ancien Premier ministre qui dirige le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC)  se prononce sur plusieurs sujets brûlants de l’actualité : élections générales de fin décembre 2025 ; stratégie du Bloc républicain pour la défense de la Constitution de mars 2016 (BRDC), dont il est le porte-parole ; présence russe en RCA ; le sort de l’ancien président nigérien, Mohamed Bazoum ; la situation politique et sécuritaire dans le Sahel. Le député de Paoua (nord-ouest de la République centrafricaine), par ailleurs membre de la Commission économie, finances et plan à l’Assemblée nationale, répond sans détour aux questions de Vent d’Afrique.​ Interview.

Ventdafrique.com : Le président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, a signé, le lundi 29 septembre 2025, un décret convoquant le corps électoral pour le premier tour des élections présidentielle, législatives, régionales et municipales​. Ce quadruple​ scrutin est prévu pour le 28 décembre 2025. Est-ce que votre parti​, le MLPC, y participera​ ?

Martin Ziguélé :​ Nous sommes membres du Bloc républicain pour la défense de la Constitution du 30 mars 2016, qui demande depuis plus d’un an un dialogue politique préélectoral pour discuter des conditions d’organisation d’élections inclusives, transparentes et équitables. Nous ne pouvons pas nous engager et engager le parti dans un processus qui ressemble à un piège à rats.

Ventdafrique.com : Dans quelles conditions participeriez-vous à ces élections ?

Martin Ziguélé : Nous ne participerons à ces élections qu’après un dialogue politique nous permettant d’obtenir des élections inclusives parce que la Constitution de 2023 du président Touadéra catégorise les Centrafricains en deux groupes : les Centrafricains dits d’origine et ceux qui ne seraient pas d’origine. De même, nous demandons la restructuration profonde de l’Autorité nationale des élections​ (ANE) et du Conseil constitutionnel.

Ventdafrique.com : À deux mois des élections générale​s de fin décembre 2025, le ​Bloc républicain pour la défense de la Constitution de mars 2016 (BRDC), plateforme de partis d’opposition et d’associations de la société civile et dont vous êtes le porte-parole, a ​justement exprimé ses craintes lors d’une conférence de presse tenue récemment à Bangui. Quelles sont ces craintes ?

Martin Ziguélé : Nos craintes sont fondées sur des faits avérés. Je ne prendrai qu’un seul exemple : aujourd’hui, le corps électoral a été convoqué pour les élections groupées du 28 décembre sans qu’il y ait le moindre affichage des listes électorales dans les communes comme l’exige la loi. Comment peut-on convoquer le corps électoral sans qu’il y ait affichage préalable des listes puisque pour être candidat il faut être électeur ?

Ventdafrique.com : Le président Faustin-Archange Touadéra avait initialement affiché son ouverture à un dialogue, en mars​ 2025, avant de durcir sa position lors du congrès de son parti, le Mouvement Cœurs unis (MCU), en juillet​ de la même année. ​Êtes-vous déçu ?

Martin Ziguélé : Quelqu’un qui a renié la Constitution sous laquelle il a été élu et réélu et sur laquelle il a prêté deux fois serment ne peut que reproduire ce genre de comportement.

Le président Touadéra est en campagne électorale depuis sa réélection en 2020. Il use de populisme et agite les extrêmes.

Sa démarche est essentiellement tactique et à courte vue.

L’avenir du pays et sa stabilité politique à long terme, conditions sine qua non d’un développement durable, ne l’intéressent pas. D’où ces revirements.

Ventdafrique.com : Vous faites ​donc partie des pourfendeurs de la modification de la Constitution de 2015 intervenue le 30 juillet 2023. Une modification qui remet les compteurs à zéro et permet ​ainsi au président Touadéra d’être à nouveau candidat lors de l’élection présidentielle de décembre 2025. Est-ce que le vin n’est pas tiré et ne reste-t-il plus qu’à le boire ?

Martin Ziguélé : Je vous l’ai dit dès le départ, nous sommes constitués en un Bloc politique contre cette Constitution, essentiellement parce qu’elle divise les Centrafricains et consacre un net recul démocratique.

Ventdafrique.com : L’une des dispositions de la Constitution révisée prévoit que ne sont pas autorisés à se présenter à l’élection présidentielle les Centrafricains qui possèdent la double nationalité. Or, bon nombre de futurs candidats​, notamment de l’opposition, sont des binationaux. Êtes-vous ​personnellement concerné​ par cette disposition constitutionnelle ?

Martin Ziguélé : À titre personnel, je ne suis pas concerné. Je n’ai que la seule nationalité centrafricaine depuis ma naissance. Cependant​, je ne peux accepter que le critère de binationalité soit retenu pour écarter des compatriotes.

Ventdafrique.com : Grâce à la facilitation du Tchad, un accord de paix a été signé entre le gouvernement centrafricain et deux groupes armés actifs dans le pays :​ Retour, Réclamation et Réhabilitation (3R) et Union pour la paix en Centrafrique (UPC). Cet accord, conclu, marque-t-il selon vous une nouvelle étape dans les efforts de stabilisation de la République centrafricaine (RCA), théâtre d’un conflit prolongé ?

Martin Ziguélé : Je l’espère pour notre pays et pour nos populations qui ont beaucoup souffert et souffrent encore des graves exactions de ces groupes armés. Je salue toujours les efforts de paix, quels qu’ils soient, mais les chefs de guerre responsables de ces deux groupes rebelles, qui ne sont pas centrafricains, doivent être rapatriés, en application du Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Rapatriement (DDRR).

Ventdarique.com :  ​Le ministère de la Défense russe devait dépêcher, ces prochaines semaines, les premiers ​mercenaires de son bras armé Africa Corps à Bangui​ pour remplacer Wagner. ​Sont-ils déjà sur place ?

Martin Ziguélé : Africa Corps, à ma connaissance, n’a pas encore remplacé les mercenaires du groupe Wagner dans notre pays. Il paraît que cela ne saurait tarder. Attendons de voir​.

Ventdafrique.com : Wagner, ​qui sera remplacé par Africa Corps, ​est accusé de piller les ressources de votre pays. Est-ce que ce sont des informations à prendre au sérieux ? 

 Martin Ziguélé : Comme je vous l’ai souligné plus haut, Africa Corps n’est pas encore présente sur le terrain. Par contre, les mercenaires du groupe Wagner, si. Les nombreuses exactions des mercenaires du groupe Wagner sont très largement documentées, y compris le pillage des ressources naturelles.

Ventdafrique.com : ​Est-ce que la RCA bénéficie du partenariat ​avec la Russie ?

Martin Ziguélé : ​À ce jour, en dehors des annonces, je ne vois rien de concret sur le plan économique.

Ventdafrique.com : Les soldats français de l’opération Sangaris ont quitté la RCA ​depuis mi-décembre 2022. Quel est l’état de la coopération entre la RCA et la France ?

Martin Ziguélé : Notre pays a signé une feuille de route pour relancer la coopération avec la France, après une période tumultueuse. Cette feuille de route n’a pas été rendue publique​. Donc il m’est difficile de dire ce qui se passe réellement, ni si cela correspond à la feuille de route.

Ventdafrique.com : Voilà plus de deux ans que votre camarade de l’international socialiste, l’ancien président nigérien Mohamed Bazoum, est séquestré au palais présidentiel de Niamey après le putsch qui l’a renversé le 26 juillet 2025. Avez-vous de ses nouvelles ?

Martin Ziguélé : Oui, en effet, cela fait plus de deux ans que mon frère et camarade de lutte le président Bazoum est détenu, avec son épouse, au sous-sol de son propre palais suite à un coup d’État injustifiable. J’ai eu de ses nouvelles les deux premiers mois suivant le putsch, mais ensuite, comme vous le savez, ses bourreaux lui ont enlevé tout moyen de communication.

Ventdafrique.com : Comment analysez-vous la situation politique et sécuritaire qui prévaut dans les pays de l’Alliance des États du Sahel ?

Martin Ziguélé : Je voudrais d’abord relever que ces trois États du Sahel étaient dirigés par des camarades démocratiquement élus. Les militaires qui les ont renversés sous des prétextes divers et variés ont largement fait la preuve de leur inefficacité, en dehors ​d’une logorrhée pseudo-panafricaniste et pseudo-anti-impérialiste. Ce sont des juntes improbables qui ont d’ailleurs jeté le masque en enterrant toute idée d’élections.

Ventdafrique.com : La France est accusée régulièrement par ​ces régimes militaires du Sahel d’être à l’origine de l’amplification du djihadisme​ dans la région. Le pensez-vous aussi ?

Martin Ziguélé : Je n’ai aucune confiance dans la parole de ces putschistes. Ils accusent le monde entier de leurs malheurs alors qu’ils sont les premiers responsables des problèmes de leurs pays. La place de nos armées est dans les casernes, pas à la tête de nos pays.

Ventdafrique.com : ​Vous aviez fait allusion plus haut à « une logorrhée pseudo-panafricaniste et pseudo-anti-impérialiste​ ». Pourtant, ces militaires au pouvoir dans les trois pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso), ​eux, disent prôner le ​ »vrai » panafricanisme sur fond de souverainisme. ​Quelle est votre réaction ?

Martin Ziguélé : Je ne serai pas long sur cette question. S’ils étaient vraiment panafricanistes, ils ne quitteraient pas la ​Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest​ (CEDEAO​).

Ventdafrique.com : Après l’adoption récente par référendum d’une nouvelle Constitution, les Guinéens se rendront aux urnes le 28 décembre 2025. Est-ce un pas positif​ vers un retour à l’ordre constitutionnel ?

Martin Ziguélé : Difficile à affirmer.  J’ai beaucoup de frères et de camarades en Guinée, et de ce qu’ils me disent et de ce que j’apprends sur les médias, le processus guinéen est vicié par la volonté du chef de la junte de rester au pouvoir. Dans le fond​, la démarche politique est la même que pour les États de l‘AES qui eux ne s’embarrassent pas de scrupules.

Ventdafrique.com : Comment réagissez-vous à la situation qui prévaut dans la bande de Gaza ?

Martin Ziguélé : Ce qui se passe à Gaza est inacceptable à tous points de vue. Il est clair que nous assistons à un génocide avec la bénédiction de certaines nations, et non des moindres, dites civilisées.

Ventdafrique.com : Les Camerounais se rendent aux urnes le 12 octobre  2025 pour élire leur nouveau président de la République. Êtes-vous inquiet​ ?

 Martin Ziguélé : Le Cameroun est le pays le plus structuré et le plus stable en Afrique centrale, car il n’en est qu’à son deuxième président de la République depuis l’indépendance​ en 1960.

Naturellement, je porte un regard fraternel sur ce qui s’y passe. Nous sommes certainement proches d’une mutation​ générationnelle qui, je l’espère, sera douce.

Propos recueillis par Éric Topona, directeur de ​la publication de ventdafrique.com.

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