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Officiellement signée le 21 mars 2018 à Kigali, au cours d'un sommet de l'Union africaine, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ne fonctionne toujours pas à plein régime. Même si depuis le 1er janvier 2021, sa phase opérationnelle a été lancée, marquant le début effectif de la création d'un marché unique continental. Sans plus.. Officiellement signée le 21 mars 2018 à Kigali, au cours d’un sommet de l’Union africaine, la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) n’est toujours pas effective. Cependant, depuis le 1er janvier 2021, sa phase opérationnelle a été lancée, marquant le début effectif de la création d’un marché unique continental. L’un des grands rêves et l’une des grandes ambitions, vraisemblablement la plus grande, des pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) était de voir émerger, dans le sillage des indépendances des années 1960, une Afrique prospère et respectée par le reste du monde, parce que capable de valoriser son immense capital naturel et humain, matériel et immatériel. Lesquels continuent d’ailleurs, soixante années plus tard, de susciter toutes les attentions et de faire l’objet de convoitises de nombreuses puissances qui ne font pas mystère de leurs projets hégémoniques, voire prédateurs sur le continent. Réalisation d’une intégration économique et financière Mais la voie royale qui devait conduire à cette Afrique rêvée était et demeure la réalisation d’une intégration économique et financière entre ses États membres. Ce qui constituera un tremplin pour la création de richesses en vue de l’élévation du standard de vie des populations du continent et garantir véritablement leur souveraineté. Car, qu’il s’agisse de l’industrialisation de l’Afrique si chère à Cheikh Anta Diop ou de la création d’une armée des États-Unis d’Afrique, chère à Kwame Nkrumah, les visions de ces deux éminents penseurs du panafricanisme ne peuvent se traduire dans le réel sans une Afrique économiquement intégrée et prospère. En ce sens, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), portée sur ses fonts baptismaux le 1er janvier 2021, s’inscrit véritablement dans le sens de l’Histoire. Que cette entité économique panafricaine, mais aussi géopolitique, ne s’impose aux législations nationales que 60 ans après les indépendances, c’est la preuve non seulement d’un retard considérable pris par l’Afrique par rapport aux dynamiques économiques en cours dans le reste du monde, mais aussi la prise de conscience certes tardive, mais salutaire des leaders africains actuels. Ceux-ci réalisent qu’ils ne peuvent plus ramer à contre-courant des enjeux qui déterminent la survie de leurs États. Les piliers de la ZLECAf La ZLECAf, il est important de le souligner, est la volonté de traduire en actes l’agenda 2063 de l’Union africaine, qui s’articule autour des sept piliers suivants : une Afrique prospère fondée sur une croissance inclusive et un développement durable ; un continent intégré, uni au plan politique ; une Afrique dans laquelle prévalent les idéaux de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l’homme et d’état de droit ; une Afrique en paix et en sécurité ; une Afrique riche de son patrimoine culturel et des valeurs d’éthique communes ; une Afrique dont le développement priorise les populations les plus vulnérables. Ces aspirations cardinales de l’agenda 2063, sans les explorer dans le détail, ne peuvent être atteintes sans des infrastructures économiques dynamiques, performantes et créatrices de richesses pour les peuples, à l’instar de la Communauté économique européenne (CEE), aujourd’hui Union européenne. C’est dire que, dans l’esprit des concepteurs de la ZLECAf – et fort opportunément par ailleurs –, une intégration économique et monétaire réussie est le gage, voire l’unique condition de possibilité de l’intégration politique. De cette prise de conscience découlent les objectifs de la ZLECAf dont les principaux sont les suivants : l’élimination progressive des barrières tarifaires et non tarifaires ; la libéralisation progressive du commerce des services ; la coopération en matière d’investissement, de droits de propriété intellectuelle et de politique de la concurrence ; la mise en œuvre de mesures en vue de la facilitation des échanges ; la mise en place de mécanismes de règlement des différends relatifs aux droits et aux obligations ; l’établissement d’un cadre institutionnel pour la mise en œuvre et l’administration de la ZLECAf. Mise en œuvre de la ZLECAf, bilan à mi-parcours Cependant, sans céder à un pessimisme de mauvais aloi et après quatre années de mise en œuvre, on est en droit de s’interroger sur le chemin effectué par la ZLECAf, même s’il semblerait tôt, aux yeux de certains, pour le faire. La première réserve que l’on peut exprimer, c’est de voir ce projet d’accord entre les pays africains (visant à créer un marché unique des biens et des services, à supprimer les barrières commerciales, à faciliter la libre circulation des personnes et des capitaux et à promouvoir le développement industriel et la diversification économique sur tout le continent), pâtir des mêmes faiblesses ou défaillances des Communautés économiques régionales africaines (CER), dont le but est de favoriser l’intégration économique et à servir de piliers à l’Union africaine. En effet, toutes les CER africaines, qu’il s’agisse de laCommunauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) pour ne citer que celles-là, sont toutes régies par des textes ambitieux et avant-gardistes. Mais ces textes ne sont traduits dans la réalité que moyennement pour la CEDEAO et minimalement pour la CEMAC. Dans cette dernière, la libre circulation des personnes et des biens s’effectue en dents de scie. Bien plus, certains États sont liés par des accords de partenariat avec des ensembles économiques concurrents de la CEMAC, voire de la ZLECAf. C’est le cas par exemple du Cameroun qui a ratifié des Accords de partenariats économiques (APE) avec l’Union européenne, sans concertation avec les autres pays membres de la CEMAC. La bonne gouvernance à l’épreuve En outre, comment ne pas évoquer la sempiternelle question de la bonne gouvernance ? Lorsque l’on se penche sur les piliers de l’agenda 2063 qui ont inspiré la création de la Zone de libre-échange continentale africaine, on réalise qu’il est difficile, sinon impossible pour ses États membres d’atteindre les objectifs qu’ils se sont assignés sans un respect scrupuleux des principes cardinaux de bonne gouvernance. Sur 55 pays de l’Union africaine, 47 pays ont déjà ratifié l’accord. Cependant, l’Érythrée n’a pas signé l’accord ZLECAf et le Gabon, le Mali, la Guinée et le Soudan ont vu leur participation suspendue à cause de coups d’État. S’il faut s’en tenir à l’état actuel de la gouvernance dans la ZLECAf, elle est plutôt préoccupante. Une situation à laquelle viennent se greffer des enjeux sécuritaires qui menacent gravement la stabilité de certains États africains. L’avenir de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) dépend de la mise en cohérence des voies et moyens qui lui permettront d’atteindre tout au moins ses objectifs les plus importants. Son principal défi réside donc dans le leadership de ses gouvernants et leur volonté de mettre en musique cette dynamique d’ensemble, au grand bonheur des populations africaines qui n’attendent que cette aubaine..⏱ Temps de lecture estimé : 7 minutes
Officiellement signée le 21 mars 2018 à Kigali, au cours d’un sommet de l’Union africaine, la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) n’est toujours pas effective. Cependant, depuis le 1er janvier 2021, sa phase opérationnelle a été lancée, marquant le début effectif de la création d’un marché unique continental.
L’un des grands rêves et l’une des grandes ambitions, vraisemblablement la plus grande, des pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) était de voir émerger, dans le sillage des indépendances des années 1960, une Afrique prospère et respectée par le reste du monde, parce que capable de valoriser son immense capital naturel et humain, matériel et immatériel. Lesquels continuent d’ailleurs, soixante années plus tard, de susciter toutes les attentions et de faire l’objet de convoitises de nombreuses puissances qui ne font pas mystère de leurs projets hégémoniques, voire prédateurs sur le continent.
Mais la voie royale qui devait conduire à cette Afrique rêvée était et demeure la réalisation d’une intégration économique et financière entre ses États membres. Ce qui constituera un tremplin pour la création de richesses en vue de l’élévation du standard de vie des populations du continent et garantir véritablement leur souveraineté. Car, qu’il s’agisse de l’industrialisation de l’Afrique si chère à Cheikh Anta Diop ou de la création d’une armée des États-Unis d’Afrique, chère à Kwame Nkrumah, les visions de ces deux éminents penseurs du panafricanisme ne peuvent se traduire dans le réel sans une Afrique économiquement intégrée et prospère.
En ce sens, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), portée sur ses fonts baptismaux le 1er janvier 2021, s’inscrit véritablement dans le sens de l’Histoire. Que cette entité économique panafricaine, mais aussi géopolitique, ne s’impose aux législations nationales que 60 ans après les indépendances, c’est la preuve non seulement d’un retard considérable pris par l’Afrique par rapport aux dynamiques économiques en cours dans le reste du monde, mais aussi la prise de conscience certes tardive, mais salutaire des leaders africains actuels. Ceux-ci réalisent qu’ils ne peuvent plus ramer à contre-courant des enjeux qui déterminent la survie de leurs États.
La ZLECAf, il est important de le souligner, est la volonté de traduire en actes l’agenda 2063 de l’Union africaine, qui s’articule autour des sept piliers suivants : une Afrique prospère fondée sur une croissance inclusive et un développement durable ; un continent intégré, uni au plan politique ; une Afrique dans laquelle prévalent les idéaux de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l’homme et d’état de droit ; une Afrique en paix et en sécurité ; une Afrique riche de son patrimoine culturel et des valeurs d’éthique communes ; une Afrique dont le développement priorise les populations les plus vulnérables.
Ces aspirations cardinales de l’agenda 2063, sans les explorer dans le détail, ne peuvent être atteintes sans des infrastructures économiques dynamiques, performantes et créatrices de richesses pour les peuples, à l’instar de la Communauté économique européenne (CEE), aujourd’hui Union européenne. C’est dire que, dans l’esprit des concepteurs de la ZLECAf – et fort opportunément par ailleurs –, une intégration économique et monétaire réussie est le gage, voire l’unique condition de possibilité de l’intégration politique.
De cette prise de conscience découlent les objectifs de la ZLECAf dont les principaux sont les suivants : l’élimination progressive des barrières tarifaires et non tarifaires ; la libéralisation progressive du commerce des services ; la coopération en matière d’investissement, de droits de propriété intellectuelle et de politique de la concurrence ; la mise en œuvre de mesures en vue de la facilitation des échanges ; la mise en place de mécanismes de règlement des différends relatifs aux droits et aux obligations ; l’établissement d’un cadre institutionnel pour la mise en œuvre et l’administration de la ZLECAf.
Cependant, sans céder à un pessimisme de mauvais aloi et après quatre années de mise en œuvre, on est en droit de s’interroger sur le chemin effectué par la ZLECAf, même s’il semblerait tôt, aux yeux de certains, pour le faire.
La première réserve que l’on peut exprimer, c’est de voir ce projet d’accord entre les pays africains (visant à créer un marché unique des biens et des services, à supprimer les barrières commerciales, à faciliter la libre circulation des personnes et des capitaux et à promouvoir le développement industriel et la diversification économique sur tout le continent), pâtir des mêmes faiblesses ou défaillances des Communautés économiques régionales africaines (CER), dont le but est de favoriser l’intégration économique et à servir de piliers à l’Union africaine.
En effet, toutes les CER africaines, qu’il s’agisse de laCommunauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) pour ne citer que celles-là, sont toutes régies par des textes ambitieux et avant-gardistes. Mais ces textes ne sont traduits dans la réalité que moyennement pour la CEDEAO et minimalement pour la CEMAC.
Dans cette dernière, la libre circulation des personnes et des biens s’effectue en dents de scie. Bien plus, certains États sont liés par des accords de partenariat avec des ensembles économiques concurrents de la CEMAC, voire de la ZLECAf. C’est le cas par exemple du Cameroun qui a ratifié des Accords de partenariats économiques (APE) avec l’Union européenne, sans concertation avec les autres pays membres de la CEMAC.
En outre, comment ne pas évoquer la sempiternelle question de la bonne gouvernance ? Lorsque l’on se penche sur les piliers de l’agenda 2063 qui ont inspiré la création de la Zone de libre-échange continentale africaine, on réalise qu’il est difficile, sinon impossible pour ses États membres d’atteindre les objectifs qu’ils se sont assignés sans un respect scrupuleux des principes cardinaux de bonne gouvernance. Sur 55 pays de l’Union africaine, 47 pays ont déjà ratifié l’accord. Cependant, l’Érythrée n’a pas signé l’accord ZLECAf et le Gabon, le Mali, la Guinée et le Soudan ont vu leur participation suspendue à cause de coups d’État.
S’il faut s’en tenir à l’état actuel de la gouvernance dans la ZLECAf, elle est plutôt préoccupante. Une situation à laquelle viennent se greffer des enjeux sécuritaires qui menacent gravement la stabilité de certains États africains.
L’avenir de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) dépend de la mise en cohérence des voies et moyens qui lui permettront d’atteindre tout au moins ses objectifs les plus importants. Son principal défi réside donc dans le leadership de ses gouvernants et leur volonté de mettre en musique cette dynamique d’ensemble, au grand bonheur des populations africaines qui n’attendent que cette aubaine.
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