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« Santé chancelante » de la démocratie dans le monde

« Santé chancelante » de la démocratie dans le monde. Article écrit par Éric Topona. Publié le 22 septembre 2025à 06h30

⏱ Temps de lecture estimé : 7 minutes

​​Le lundi 15 septembre 2025, a été célébrée la journée internationale de la démocratie, dans un contexte particulièrement difficile pour la viabilité de ce système politique dans le monde.. C​’est en 2007 ​que l’Assemblée générale des Nations unies​ a initié cette journée, entre autres, pour mener des réflexions sur l’état de ce système politique dans le monde. ​ À l’occasion de la célébration​ de la ​1​8e Journée internationale de la démocratie​, comme le veut l’usage depuis son institutionnalisation, le secrétaire général de l’ONU, ​ António Guterres,​ a organisé au siège des Nations unies une rencontre autour du thème : « De la parole aux actes ». ​Il a souligné « le courage des personnes qui, partout dans le monde, façonnent leur société par le dialogue, la participation et la confiance », estimant que ces efforts sont plus essentiels que jamais à « une époque où la démocratie et l’état de droit subissent les assauts de la désinformation, de la division et du rétrécissement de l’espace civique ». Adéquation avec l’air du temps Ce choix thématique est plus que jamais indubitablement en adéquation avec l’air du temps, comme l’ONU le rappelle pour le déplorer dans son message de circonstance :​ ​« À une époque où l’espace civique se réduit et où la désinformation prend de l’ampleur, il est plus urgent que jamais d’instaurer la confiance, le dialogue et la prise de décision partagée. Ancré dans le principe « Nous, les peuples », cet événement vise à montrer que la démocratie est une force vivante d’action, d’espoir et de coopération ». Inquiétant recul de la démocratie dans le monde Que l’on en soit à tirer la sonnette d’alarme en 2025 sur les périls qui pèsent sur les libertés démocratiques, c’est la preuve manifeste, s’il en faut, que nous sommes face à un inquiétant recul. Il faut d’emblée souligner que l’ONU, cette auguste enceinte dans laquelle s’exprime cette préoccupation, a été créée à l’issue de la Seconde ​Guerre mondiale​ (la Charte a été signée à San Francisco le 26 juin 1945, à la fin de la Conférence des Nations unies pour l’Organisation internationale, et est entrée en vigueur le 24 octobre 1945​), comme cette institution planétaire au sein de laquelle les affaires cruciales qui concernent la marche du monde doivent être examinées, voire réglées de manière concertée en cas de différends entre ​États. Les grandes puissances, architectes et garants de l’ordre de 1945, à l’issue des Conférences de Yalta​ (la réunion des principaux responsables de l’Union soviétique, du Royaume-Uni et des États-Unis qui s’est tenue du 4 au 11 février 1945 dans le palais de Livadia, situé dans les environs de la station balnéaire de Yalta en Crimée) et de Potsdam​ (la conférence organisée par trois des puissances alliées victorieuses de la Seconde Guerre mondiale pour fixer le sort des nations ennemies), prenaient alors acte de l’échec de la Société des nations (SDN) et des périls que l’unilatéralisme a fait peser sur le destin de la planète à l’issue des deux guerres mondiales de la première moitié du XXe siècle.​ Lorsque l’on porte un regard rétrospectif et sans complaisance sur le chemin parcouru, on ne peut pas manquer d’être perplexe, voire raisonnablement inquiet. Nous ne reviendrons pas sur les grandes confrontations de la Guerre froide qui ont éclaté quelque temps seulement après la victoire des alliés, alors que les braises du dernier conflit mondial étaient encore fumantes. Nous ne reviendrons pas​ non plus sur le soutien apporté par certains pays du « monde libre » à des régimes autoritaires et liberticides en Amérique latine ou en Afrique, en totale contradiction avec les principes fondateurs de la Charte des Nations ​unies et de leurs constitutions internes. Nous nous appesantissons sur le monde des deux dernières décennies. En effet, lorsque le secrétaire général des Nations unies déplore la restriction de l’espace civique, il s’appuie sur des faits d’actualité récents. Le monde entier se souvient encore parfaitement de l’assaut lancé contre le Capitole​ (à Washington D.C., le 6 janvier 2021, dans le contexte des contestations des résultats de l’élection présidentielle américaine de 2020​), ce temple de la démocratie américaine, par les partisans du président sortant et défait, Donald Trump​. Celui-ci contestait alors ce qu’il dénonçait comme ​sa « victoire volée ». Nul n’aurait pu imaginer, dans les temps présents, pareille régression démocratique au pays qui passait jusqu’alors pour le modèle du genre en matière de respect des libertés démocratiques, des contre-pouvoirs, mais surtout du suffrage universel. Cette dynamique antidémocratique n’a cessé de gagner du terrain. Affaiblissement des contre-pouvoirs Le second mandat du ​président des États-Unis d’Amérique, qui n’en est même pas encore à sa première année d’exécution, s’affirme chaque jour un peu plus, par une restriction de « l’espace civique », une volonté assumée d’affaiblir les contre-pouvoirs, au grand dam de Montesquieu, l’auteur de l’Esprit des lois, convaincu que la démocratie ne devait sa pérennité que dans un système institutionnel au sien duquel « le pouvoir arrête le pouvoir ». En Amérique latine, l’ancien chef de l’État brésilien, Jair Bolsonaro, pourtant parvenu à la magistrature suprême par des voies démocratiques​ (2019 à 2023​), ​a été condamné, le 11 septembre 2025, par la Cour suprême, à vingt-sept ans et trois mois de prison pour tentative de coup d’État contre son prédécesseur, Luiz Inácio Lula da Silva​. Démocratie bâillonnée dans certains pays d’Afrique subsaharienne francophone En Afrique, notamment dans sa partie subsaharienne francophone, l’alternance démocratique au sommet de l’État est devenue l’exception ; les libertés individuelles et collectives ne sont plus qu’un lointain souvenir. Les juntes ont manifestement fait le choix du droit de la force sur la force du droit. Le Niger, le Burkina Faso et le Mali sont les exemples emblématiques de ce basculement autoritaire, voire tyrannique, dans une Afrique qui célébrait, il y a trois décennies, son « printemps des libertés démocratiques » après trois précédentes décennies de l’âge de fer des partis uniques. Enfin, ​après la célébration des vertus des libertés démocratiques, comment ne pas se préoccuper des atteintes graves à la liberté d’expression, notamment la liberté de la presse, y compris dans des démocraties fort anciennes où elles étaient longtemps sanctuarisées ? Ces reculs des libertés démocratiques participent d’un affaiblissement des institutions aussi bien étatiques que multilatérales. ​Or, les défis auxquels notre monde est confronté rendent plus que jamais nécessaire la consolidation des contre-pouvoirs dont les fonctions d’alerte ne sont plus à prouver. Des périls tels que la crise climatique, les nombreuses atteintes à l’environnement et la criminalité transfrontalière du fait de la dérégulation des échanges et de la mondialisation ne pourront être efficacement combattus dans un contexte d’atteinte aux libertés civiques. Car les États eux-mêmes, de ce fait, se mettent gravement en péril et notamment leurs gouvernants..

⏱ Temps de lecture estimé : 7 minutes

​​Le lundi 15 septembre 2025, a été célébrée la journée internationale de la démocratie, dans un contexte particulièrement difficile pour la viabilité de ce système politique dans le monde.

C​’est en 2007 ​que l’Assemblée générale des Nations unies​ a initié cette journée, entre autres, pour mener des réflexions sur l’état de ce système politique dans le monde. ​

À l’occasion de la célébration​ de la ​1​8e Journée internationale de la démocratie​, comme le veut l’usage depuis son institutionnalisation, le secrétaire général de l’ONU, ​ António Guterres,​ a organisé au siège des Nations unies une rencontre autour du thème : « De la parole aux actes ». ​Il a souligné « le courage des personnes qui, partout dans le monde, façonnent leur société par le dialogue, la participation et la confiance », estimant que ces efforts sont plus essentiels que jamais à « une époque où la démocratie et l’état de droit subissent les assauts de la désinformation, de la division et du rétrécissement de l’espace civique ».

Adéquation avec l’air du temps

Ce choix thématique est plus que jamais indubitablement en adéquation avec l’air du temps, comme l’ONU le rappelle pour le déplorer dans son message de circonstance :​ ​« À une époque où l’espace civique se réduit et où la désinformation prend de l’ampleur, il est plus urgent que jamais d’instaurer la confiance, le dialogue et la prise de décision partagée. Ancré dans le principe « Nous, les peuples », cet événement vise à montrer que la démocratie est une force vivante d’action, d’espoir et de coopération ».

Inquiétant recul de la démocratie dans le monde

Que l’on en soit à tirer la sonnette d’alarme en 2025 sur les périls qui pèsent sur les libertés démocratiques, c’est la preuve manifeste, s’il en faut, que nous sommes face à un inquiétant recul. Il faut d’emblée souligner que l’ONU, cette auguste enceinte dans laquelle s’exprime cette préoccupation, a été créée à l’issue de la Seconde ​Guerre mondiale​ (la Charte a été signée à San Francisco le 26 juin 1945, à la fin de la Conférence des Nations unies pour l’Organisation internationale, et est entrée en vigueur le 24 octobre 1945​), comme cette institution planétaire au sein de laquelle les affaires cruciales qui concernent la marche du monde doivent être examinées, voire réglées de manière concertée en cas de différends entre ​États.

Les grandes puissances, architectes et garants de l’ordre de 1945, à l’issue des Conférences de Yalta​ (la réunion des principaux responsables de l’Union soviétique, du Royaume-Uni et des États-Unis qui s’est tenue du 4 au 11 février 1945 dans le palais de Livadia, situé dans les environs de la station balnéaire de Yalta en Crimée) et de Potsdam​ (la conférence organisée par trois des puissances alliées victorieuses de la Seconde Guerre mondiale pour fixer le sort des nations ennemies), prenaient alors acte de l’échec de la Société des nations (SDN) et des périls que l’unilatéralisme a fait peser sur le destin de la planète à l’issue des deux guerres mondiales de la première moitié du XXe siècle.​

Lorsque l’on porte un regard rétrospectif et sans complaisance sur le chemin parcouru, on ne peut pas manquer d’être perplexe, voire raisonnablement inquiet.

Nous ne reviendrons pas sur les grandes confrontations de la Guerre froide qui ont éclaté quelque temps seulement après la victoire des alliés, alors que les braises du dernier conflit mondial étaient encore fumantes. Nous ne reviendrons pas​ non plus sur le soutien apporté par certains pays du « monde libre » à des régimes autoritaires et liberticides en Amérique latine ou en Afrique, en totale contradiction avec les principes fondateurs de la Charte des Nations ​unies et de leurs constitutions internes.

Nous nous appesantissons sur le monde des deux dernières décennies.

En effet, lorsque le secrétaire général des Nations unies déplore la restriction de l’espace civique, il s’appuie sur des faits d’actualité récents.

Le monde entier se souvient encore parfaitement de l’assaut lancé contre le Capitole​ (à Washington D.C., le 6 janvier 2021, dans le contexte des contestations des résultats de l’élection présidentielle américaine de 2020​), ce temple de la démocratie américaine, par les partisans du président sortant et défait, Donald Trump​. Celui-ci contestait alors ce qu’il dénonçait comme ​sa « victoire volée ».

Nul n’aurait pu imaginer, dans les temps présents, pareille régression démocratique au pays qui passait jusqu’alors pour le modèle du genre en matière de respect des libertés démocratiques, des contre-pouvoirs, mais surtout du suffrage universel. Cette dynamique antidémocratique n’a cessé de gagner du terrain.

Affaiblissement des contre-pouvoirs

Le second mandat du ​président des États-Unis d’Amérique, qui n’en est même pas encore à sa première année d’exécution, s’affirme chaque jour un peu plus, par une restriction de « l’espace civique », une volonté assumée d’affaiblir les contre-pouvoirs, au grand dam de Montesquieu, l’auteur de l’Esprit des loisconvaincu que la démocratie ne devait sa pérennité que dans un système institutionnel au sien duquel « le pouvoir arrête le pouvoir ».

En Amérique latine, l’ancien chef de l’État brésilien, Jair Bolsonaro, pourtant parvenu à la magistrature suprême par des voies démocratiques​ (2019 à 2023​), ​a été condamné, le 11 septembre 2025, par la Cour suprême, à vingt-sept ans et trois mois de prison pour tentative de coup d’État contre son prédécesseur, Luiz Inácio Lula da Silva​.

Démocratie bâillonnée dans certains pays d’Afrique subsaharienne francophone

En Afrique, notamment dans sa partie subsaharienne francophone, l’alternance démocratique au sommet de l’État est devenue l’exception ; les libertés individuelles et collectives ne sont plus qu’un lointain souvenir. Les juntes ont manifestement fait le choix du droit de la force sur la force du droit. Le Niger, le Burkina Faso et le Mali sont les exemples emblématiques de ce basculement autoritaire, voire tyrannique, dans une Afrique qui célébrait, il y a trois décennies, son « printemps des libertés démocratiques » après trois précédentes décennies de l’âge de fer des partis uniques.

Enfin, ​après la célébration des vertus des libertés démocratiques, comment ne pas se préoccuper des atteintes graves à la liberté d’expression, notamment la liberté de la presse, y compris dans des démocraties fort anciennes où elles étaient longtemps sanctuarisées ?

Ces reculs des libertés démocratiques participent d’un affaiblissement des institutions aussi bien étatiques que multilatérales. ​Or, les défis auxquels notre monde est confronté rendent plus que jamais nécessaire la consolidation des contre-pouvoirs dont les fonctions d’alerte ne sont plus à prouver. Des périls tels que la crise climatique, les nombreuses atteintes à l’environnement et la criminalité transfrontalière du fait de la dérégulation des échanges et de la mondialisation ne pourront être efficacement combattus dans un contexte d’atteinte aux libertés civiques. Car les États eux-mêmes, de ce fait, se mettent gravement en péril et notamment leurs gouvernants.

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