⏱ Temps de lecture estimé : 5 minutes
Depuis quelques mois, les nouvelles se suivent et se ressemblent au plan sécuritaire au Mali. Ce qui suscite de vives inquiétudes au plan national et international. Il n’aura guère échappé à tout observateur averti comme aux citoyens maliens que la tranquillité et la sérénité que l’on pouvait naguère mettre au crédit des autorités militaires aux affaires à Bamako n’ont eu de cesse de s’éroder. Tant et si bien que des interrogations lancinantes se font de plus en plus entendre sur la capacité du pouvoir central à garantir durablement à leurs populations cette sécurité si essentielle à l’économie du pays, déjà fortement déstabilisée par des assauts djihadistes qui n’en finissent pas. À cet égard, le récent rapport du Timbuktu Institute vient corroborer des inquiétudes dont se faisaient déjà l’écho de nombreux médias internationaux et certains témoins locaux au Mali, notamment sur les réseaux sociaux. Dans sa lettre de septembre 2025 intitulée Le JNIM à Kayes, Fragilisation économique et menace transfrontalière, ce think tank alerte sur la nouvelle mue du JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) dans ses attaques contre le pouvoir central de Bamako. Le « djihadisme économique » En effet, l’organisation terroriste ne se contente plus seulement de combattre jusqu’à la capitulation les Forces armées maliennes (FAMa), de récupérer du matériel de guerre sur les théâtres d’opérations, de faire des captifs et d’instaurer dans les territoires conquis ses lois islamistes rigoristes comme récemment à Farabougou. Avec les attaques des 13 et 14 septembre 2025 du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM, son acronyme arabe) contre des dizaines de camions-citernes – 80 selon certaines sources – en provenance du Sénégal avec pour destination Bamako, ce groupe djihadiste affilié à Al-Qaïda semble basculer vers une nouvelle stratégie de combat que, dès le 3 septembre, le Timbuktu Institute appelait le « djihadisme économique ». Pour y parvenir avec efficacité, la nébuleuse terroriste a visiblement jeté son dévolu sur la région de Kayes : « […] il semble qu’au-delà de son importance économique avérée la région de Kayes constitue plus une cible stratégique majeure pour le JNIM, par exemple, qui la considère comme un espace vital aussi bien pour l’économie et la sécurité du Mali que pour un éventuel positionnement lui permettant de perpétrer davantage d’attaques perturbant l’approvisionnement de ce pays ». Il faut par ailleurs préciser que la région de Kayes est l’un des poumons économiques du Mali avec Bamako. À travers l’axe Bamako-Dakar, via Kayes et Diboli, transitent 30 % des importations terrestres du Mali. Mais ces attaques ne sont pas seulement à visée économique, il s’agit clairement de tentatives de déstabilisation de l’État du Mali. Priver une partie du pays de son approvisionnement régulier en carburant revient à paralyser le siège des institutions, susciter des mécontentements au sein des populations des villes asséchées, dans l’espoir de les voir se soulever contre le pouvoir central. Bien plus, le JNIM a bien conscience que cet axe commercial stratégique n’est pas seulement vital pour l’économie malienne, mais aussi pour une partie non négligeable du commerce régional ouest-africain. Le Sénégal et la Mauritanie, notamment, et dans une certaine mesure la Côte d’Ivoire sont demeurés des partenaires économiques vitaux du Mali, en dépit de la décision de ce pays de rompre avec la CEDEAO pour rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES). Nombre des camions-citernes transportant des hydrocarbures proviennent de ces pays. Ainsi, le JNIM, en ciblant ceux-ci, tente manifestement d’isoler le Mali économiquement et de dissuader les États qui seraient tentés, contre vents et marées, de maintenir ces liens économiques. Interrogations légitimes Cette nouvelle montée en puissance du JNIM contre Bamako n’est pas sans susciter quelques interrogations légitimes. Où en est le projet de création d’une force militaire conjointe entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger ? Annoncée en 2024, force est de constater que celle-ci tarde à passer à sa phase opérationnelle. Or, le blocus dont le Mali est actuellement l’objet est une grave atteinte à sa souveraineté et à sa stabilité, et ce, d’autant plus que les menaces que le JNIM fait peser sur le Mali sont, in fine, des menaces tout aussi graves pour la pérennité de l’AES. On serait attendu à une mutualisation des forces entre ces trois pays dans la conjoncture actuelle. Il n’en est rien, du moins pour l’instant. Par ailleurs, il y a lieu de s’interroger sur le niveau d’implication des mercenaires russes de l’Africa Corps contre les attaques du JNIM. Dans les images en circulation sur les réseaux sociaux, nulle trace de leur présence. Cette absence fort remarquée donne à penser qu’ils ont fait le choix de s’impliquer, dorénavant, au mieux dans les combats aériens ou dans le management militaire tactique, mais plus jamais au sol, au regard des pertes en hommes et en matériels enregistrées lors de confrontations similaires. Sans tirer de plans sur la comète, les semaines et les mois à venir seront décisifs au regard de l’importance des enjeux dans les combats en cours. Il y a lieu d’espérer une implication militaire de quelques-uns des partenaires économiques du Mali qui sont lourdement impactés par cette situation. Toutefois, franchiront-ils le pas ? Il faut en douter, car ils s’exposent au risque de se voir pris pour cibles par les fantassins du JNIM et d’importer sur leur territoire un conflit pour lequel ils demeurent en grande partie épargnés. Jusqu’à quand?.⏱ Temps de lecture estimé : 5 minutes
Il n’aura guère échappé à tout observateur averti comme aux citoyens maliens que la tranquillité et la sérénité que l’on pouvait naguère mettre au crédit des autorités militaires aux affaires à Bamako n’ont eu de cesse de s’éroder. Tant et si bien que des interrogations lancinantes se font de plus en plus entendre sur la capacité du pouvoir central à garantir durablement à leurs populations cette sécurité si essentielle à l’économie du pays, déjà fortement déstabilisée par des assauts djihadistes qui n’en finissent pas.
À cet égard, le récent rapport du Timbuktu Institute vient corroborer des inquiétudes dont se faisaient déjà l’écho de nombreux médias internationaux et certains témoins locaux au Mali, notamment sur les réseaux sociaux. Dans sa lettre de septembre 2025 intitulée Le JNIM à Kayes, Fragilisation économique et menace transfrontalière, ce think tank alerte sur la nouvelle mue du JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) dans ses attaques contre le pouvoir central de Bamako.
En effet, l’organisation terroriste ne se contente plus seulement de combattre jusqu’à la capitulation les Forces armées maliennes (FAMa), de récupérer du matériel de guerre sur les théâtres d’opérations, de faire des captifs et d’instaurer dans les territoires conquis ses lois islamistes rigoristes comme récemment à Farabougou.
Avec les attaques des 13 et 14 septembre 2025 du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM, son acronyme arabe) contre des dizaines de camions-citernes – 80 selon certaines sources – en provenance du Sénégal avec pour destination Bamako, ce groupe djihadiste affilié à Al-Qaïda semble basculer vers une nouvelle stratégie de combat que, dès le 3 septembre, le Timbuktu Institute appelait le « djihadisme économique ».
Pour y parvenir avec efficacité, la nébuleuse terroriste a visiblement jeté son dévolu sur la région de Kayes : « […] il semble qu’au-delà de son importance économique avérée la région de Kayes constitue plus une cible stratégique majeure pour le JNIM, par exemple, qui la considère comme un espace vital aussi bien pour l’économie et la sécurité du Mali que pour un éventuel positionnement lui permettant de perpétrer davantage d’attaques perturbant l’approvisionnement de ce pays ».
Il faut par ailleurs préciser que la région de Kayes est l’un des poumons économiques du Mali avec Bamako. À travers l’axe Bamako-Dakar, via Kayes et Diboli, transitent 30 % des importations terrestres du Mali. Mais ces attaques ne sont pas seulement à visée économique, il s’agit clairement de tentatives de déstabilisation de l’État du Mali. Priver une partie du pays de son approvisionnement régulier en carburant revient à paralyser le siège des institutions, susciter des mécontentements au sein des populations des villes asséchées, dans l’espoir de les voir se soulever contre le pouvoir central.
Bien plus, le JNIM a bien conscience que cet axe commercial stratégique n’est pas seulement vital pour l’économie malienne, mais aussi pour une partie non négligeable du commerce régional ouest-africain. Le Sénégal et la Mauritanie, notamment, et dans une certaine mesure la Côte d’Ivoire sont demeurés des partenaires économiques vitaux du Mali, en dépit de la décision de ce pays de rompre avec la CEDEAO pour rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES). Nombre des camions-citernes transportant des hydrocarbures proviennent de ces pays.
Ainsi, le JNIM, en ciblant ceux-ci, tente manifestement d’isoler le Mali économiquement et de dissuader les États qui seraient tentés, contre vents et marées, de maintenir ces liens économiques.
Cette nouvelle montée en puissance du JNIM contre Bamako n’est pas sans susciter quelques interrogations légitimes. Où en est le projet de création d’une force militaire conjointe entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger ? Annoncée en 2024, force est de constater que celle-ci tarde à passer à sa phase opérationnelle.
Or, le blocus dont le Mali est actuellement l’objet est une grave atteinte à sa souveraineté et à sa stabilité, et ce, d’autant plus que les menaces que le JNIM fait peser sur le Mali sont, in fine, des menaces tout aussi graves pour la pérennité de l’AES. On serait attendu à une mutualisation des forces entre ces trois pays dans la conjoncture actuelle. Il n’en est rien, du moins pour l’instant.
Par ailleurs, il y a lieu de s’interroger sur le niveau d’implication des mercenaires russes de l’Africa Corps contre les attaques du JNIM. Dans les images en circulation sur les réseaux sociaux, nulle trace de leur présence. Cette absence fort remarquée donne à penser qu’ils ont fait le choix de s’impliquer, dorénavant, au mieux dans les combats aériens ou dans le management militaire tactique, mais plus jamais au sol, au regard des pertes en hommes et en matériels enregistrées lors de confrontations similaires.
Sans tirer de plans sur la comète, les semaines et les mois à venir seront décisifs au regard de l’importance des enjeux dans les combats en cours. Il y a lieu d’espérer une implication militaire de quelques-uns des partenaires économiques du Mali qui sont lourdement impactés par cette situation.
Toutefois, franchiront-ils le pas ? Il faut en douter, car ils s’exposent au risque de se voir pris pour cibles par les fantassins du JNIM et d’importer sur leur territoire un conflit pour lequel ils demeurent en grande partie épargnés. Jusqu’à quand?
Pour offrir les meilleures expériences, nous et nos partenaires utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations de l’appareil. Le consentement à ces technologies nous permettra, ainsi qu’à nos partenaires, de traiter des données personnelles telles que le comportement de navigation ou des ID uniques sur ce site et afficher des publicités (non-) personnalisées. Ne pas consentir ou retirer son consentement peut nuire à certaines fonctionnalités et fonctions.
Cliquez ci-dessous pour accepter ce qui précède ou faites des choix détaillés. Vos choix seront appliqués uniquement à ce site. Vous pouvez modifier vos réglages à tout moment, y compris le retrait de votre consentement, en utilisant les boutons de la politique de cookies, ou en cliquant sur l’onglet de gestion du consentement en bas de l’écran.