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Analyse de la diplomatie du président américain Donald Trump depuis son retour au pouvoir en janvier 2025 à l'aune du multilatéralisme et la nouvelle donne géopolitique mondiale.. La scène a l’air d’un vaudeville tant elle n’a pas de précédent dans la gestion des affaires du monde. Sur un tableau géant dans les jardins de la Maison-Blanche, Donald Trump, d’autorité et non sans condescendance, publie les nouveaux tarifs des droits de douane qu’il a décidé unilatéralement d’imposer aux partenaires commerciaux des États-Unis d’Amérique, si tant est que l’on puisse encore parler de partenariat commercial conformément aux principes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Au-delà de son côté ubuesque et inédit dans l’histoire des relations internationales, le 47e président des États-Unis d’Amérique, par cette scène, fait un pied de nez à l’OMC et met durablement à mal le multilatéralisme, tout au moins durant sa présidence. En lieu et place du multilatéralisme, Donald Trump privilégie une approche des relations internationales que le journal français en ligne Mediapart a récemment appelée « un capitalisme d’extraction et d’extorsion ». America First Certes, celui qui fut le 45e président des États-Unis avait placé sa première mandature sous le slogan America First, L’Amérique d’abord. Rien de nouveau sous le soleil pourrait-on dire, car tous les chefs d’État américains ont toujours eu pour préoccupation première de faire prévaloir les intérêts de leur pays en vue de la consolidation de son hégémonie planétaire. Certains observateurs, une certaine opinion, y compris en Afrique, ont tôt fait de conclure que Donald Trump avait opté pour une diplomatie isolationniste wilsonienne et s’interdisait ainsi toute ingérence dans les affaires intérieures des autres États. Bien plus, sa diplomatie était estimée rassurante pour le reste du monde et diamétralement opposée aux présidences bellicistes des Bush père et fils. Mais ce que nombre d’observateurs n’ont pas relevé durant cette première mandature, c’est le peu de considération de Trump pour les engagements multilatéraux des États-Unis, y compris sur des problématiques sensibles au sujet desquelles l’avenir de notre planète est en péril. Il s’est ainsi retiré sur un simple décret – on pourrait dire rétrospectivement un coup de sang – des Accords de Paris sur le climat (un accord international juridiquement contraignant, adopté en 2015 lors de la COP21 à Paris, visant à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C, voire 1,5 °C, par rapport aux niveaux préindustriels). Manque d’élégance diplomatique Il n’a certes jamais fait mystère de son climatoscepticisme, mais il était difficilement envisageable qu’il l’affirmerait comme il l’a fait sans élégance diplomatique. Pour sa seconde mandature, on est en droit de dire sans exagération que Donald Trump a littéralement et sans manière enterré le multilatéralisme, en paroles et en actes. Si toutes les grandes puissances ont des ambitions hégémoniques, elles s’emploient toujours néanmoins à les affirmer avec la discrétion, voire la dissimulation qui sied au monde diplomatique. Avec Donald Trump, on renverse la table et on ne s’embarrasse guère de circonlocutions. À peine est-il installé dans le bureau ovale de la Maison-Blanche qu’il annonce son intention de faire du Canada le 51e État des États-Unis, sa volonté d’annexer le Groenland, reconnu pour être extrêmement riche en minerais rares et stratégiques, sans oublier son intention de reprendre le contrôle du canal de Panama, indispensable aux impératifs de sécurité nationale des États-Unis. Au moins sur ce dernier volet de sa nouvelle doctrine diplomatique, Donald Trump est déjà passé de la parole aux actes. Zone d’incertitudes Dans sa stratégie de mise à mort du multilatéralisme, c’est surtout dans le domaine commercial que Trump, moins d’une année seulement après son retour aux affaires, a fait basculer le monde entier dans une véritable zone d’incertitudes. Cette nouvelle donne aura des conséquences durables sur l’économie mondiale, au moins jusqu’au terme de son mandat. S’il ne faut prendre que l’exemple de la Chine, l’augmentation des droits de douane sur ses exportations commerciales aux États-Unis aura des conséquences immédiates, d’une part sur le coût de fabrication et de vente de ses produits, mais d’autre part elle devra trouver de nouvelles cibles d’exportation, au risque de désorganiser les marchés intérieurs de ces pays, du fait de ses avantages comparatifs imbattables. C’est une perspective inéluctable que redoute déjà l’Europe. S’agissant précisément de l’Europe, la hausse de 15 % des droits de douane sur quelques-uns de ses produits d’exportation aux États-Unis continue de scandaliser nombre de décideurs politiques, d’opérateurs économiques et d’experts qui accusent la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen d’avoir plié l’échine face à l’ogre américain. En revanche, pour sa défense, d’autres observateurs estiment que, face à la détermination du chef de l’État américain, elle n’avait guère le choix. En réalité, cette mesure, qui a été présentée comme un « accord », est plutôt aux yeux de nombreux observateurs une décision unilatérale du président américain. Ce nouveau cap des relations commerciales euro-américaines est d’autant plus dommageable pour l’Europe qu’elle s’engage dans un gigantesque plan de réarmement. Hyperprésidence Dans la gestion de certaines crises de première importance, Donald Trump fait cavalier seul, avec des conséquences dramatiques pour les peuples. Preuve en est faite dans son approche diplomatique des guerres à Gaza, en Ukraine, à l’est de la République démocratique du Congo. Pour une présidence qui n’est qu’à six mois d’un mandat de quatre ans, nul ne sait de quoi demain sera fait. Et ce, d’autant plus que la versatilité du personnage, à la tête de la première puissance du monde, donc en possession d’un immense pouvoir, ne fait face à aucun contre-pouvoir. À part peut-être les élections à venir de mi-mandat, qui se traduiraient par un rééquilibrage des rapports de force dans les deux chambres du Congrès : la Chambre des représentants (chambre basse) et le Sénat (chambre haute) pourraient ramener l’hyperprésident sur les chemins du multilatéralisme. .⏱ Temps de lecture estimé : 6 minutes
La scène a l’air d’un vaudeville tant elle n’a pas de précédent dans la gestion des affaires du monde. Sur un tableau géant dans les jardins de la Maison-Blanche, Donald Trump, d’autorité et non sans condescendance, publie les nouveaux tarifs des droits de douane qu’il a décidé unilatéralement d’imposer aux partenaires commerciaux des États-Unis d’Amérique, si tant est que l’on puisse encore parler de partenariat commercial conformément aux principes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Au-delà de son côté ubuesque et inédit dans l’histoire des relations internationales, le 47e président des États-Unis d’Amérique, par cette scène, fait un pied de nez à l’OMC et met durablement à mal le multilatéralisme, tout au moins durant sa présidence. En lieu et place du multilatéralisme, Donald Trump privilégie une approche des relations internationales que le journal français en ligne Mediapart a récemment appelée « un capitalisme d’extraction et d’extorsion ».
Certes, celui qui fut le 45e président des États-Unis avait placé sa première mandature sous le slogan America First, L’Amérique d’abord. Rien de nouveau sous le soleil pourrait-on dire, car tous les chefs d’État américains ont toujours eu pour préoccupation première de faire prévaloir les intérêts de leur pays en vue de la consolidation de son hégémonie planétaire. Certains observateurs, une certaine opinion, y compris en Afrique, ont tôt fait de conclure que Donald Trump avait opté pour une diplomatie isolationniste wilsonienne et s’interdisait ainsi toute ingérence dans les affaires intérieures des autres États. Bien plus, sa diplomatie était estimée rassurante pour le reste du monde et diamétralement opposée aux présidences bellicistes des Bush père et fils.
Mais ce que nombre d’observateurs n’ont pas relevé durant cette première mandature, c’est le peu de considération de Trump pour les engagements multilatéraux des États-Unis, y compris sur des problématiques sensibles au sujet desquelles l’avenir de notre planète est en péril. Il s’est ainsi retiré sur un simple décret – on pourrait dire rétrospectivement un coup de sang – des Accords de Paris sur le climat (un accord international juridiquement contraignant, adopté en 2015 lors de la COP21 à Paris, visant à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C, voire 1,5 °C, par rapport aux niveaux préindustriels).
Il n’a certes jamais fait mystère de son climatoscepticisme, mais il était difficilement envisageable qu’il l’affirmerait comme il l’a fait sans élégance diplomatique.
Pour sa seconde mandature, on est en droit de dire sans exagération que Donald Trump a littéralement et sans manière enterré le multilatéralisme, en paroles et en actes. Si toutes les grandes puissances ont des ambitions hégémoniques, elles s’emploient toujours néanmoins à les affirmer avec la discrétion, voire la dissimulation qui sied au monde diplomatique. Avec Donald Trump, on renverse la table et on ne s’embarrasse guère de circonlocutions. À peine est-il installé dans le bureau ovale de la Maison-Blanche qu’il annonce son intention de faire du Canada le 51e État des États-Unis, sa volonté d’annexer le Groenland, reconnu pour être extrêmement riche en minerais rares et stratégiques, sans oublier son intention de reprendre le contrôle du canal de Panama, indispensable aux impératifs de sécurité nationale des États-Unis. Au moins sur ce dernier volet de sa nouvelle doctrine diplomatique, Donald Trump est déjà passé de la parole aux actes.
Dans sa stratégie de mise à mort du multilatéralisme, c’est surtout dans le domaine commercial que Trump, moins d’une année seulement après son retour aux affaires, a fait basculer le monde entier dans une véritable zone d’incertitudes. Cette nouvelle donne aura des conséquences durables sur l’économie mondiale, au moins jusqu’au terme de son mandat. S’il ne faut prendre que l’exemple de la Chine, l’augmentation des droits de douane sur ses exportations commerciales aux États-Unis aura des conséquences immédiates, d’une part sur le coût de fabrication et de vente de ses produits, mais d’autre part elle devra trouver de nouvelles cibles d’exportation, au risque de désorganiser les marchés intérieurs de ces pays, du fait de ses avantages comparatifs imbattables. C’est une perspective inéluctable que redoute déjà l’Europe.
S’agissant précisément de l’Europe, la hausse de 15 % des droits de douane sur quelques-uns de ses produits d’exportation aux États-Unis continue de scandaliser nombre de décideurs politiques, d’opérateurs économiques et d’experts qui accusent la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen d’avoir plié l’échine face à l’ogre américain.
En revanche, pour sa défense, d’autres observateurs estiment que, face à la détermination du chef de l’État américain, elle n’avait guère le choix. En réalité, cette mesure, qui a été présentée comme un « accord », est plutôt aux yeux de nombreux observateurs une décision unilatérale du président américain. Ce nouveau cap des relations commerciales euro-américaines est d’autant plus dommageable pour l’Europe qu’elle s’engage dans un gigantesque plan de réarmement.
Dans la gestion de certaines crises de première importance, Donald Trump fait cavalier seul, avec des conséquences dramatiques pour les peuples. Preuve en est faite dans son approche diplomatique des guerres à Gaza, en Ukraine, à l’est de la République démocratique du Congo.
Pour une présidence qui n’est qu’à six mois d’un mandat de quatre ans, nul ne sait de quoi demain sera fait. Et ce, d’autant plus que la versatilité du personnage, à la tête de la première puissance du monde, donc en possession d’un immense pouvoir, ne fait face à aucun contre-pouvoir. À part peut-être les élections à venir de mi-mandat, qui se traduiraient par un rééquilibrage des rapports de force dans les deux chambres du Congrès : la Chambre des représentants (chambre basse) et le Sénat (chambre haute) pourraient ramener l’hyperprésident sur les chemins du multilatéralisme.
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